Rénovation des lycées de Saint-Joseph

Alertée sur des irrégularités supposées dès 2015, la Région enquête en 2019

  • Publié le 22 novembre 2019 à 12:30
  • Actualisé le 4 septembre 2020 à 15:05

Imaz Press Réunion l'indiquait dès le 14 novembre dernier, les gendarmes ont mené de longues investigations dans les locaux du Conseil régional à Saint-Denis et Saint-Pierre. En tout, trois perquisitions ont été menées : dans les services de la Direction des bâtiments et de l'architecture (DBA), à Saint-Pierre et au Chaudron, et dans ceux de la pyramide inversée au Moufia. Les enquêteurs sont repartis après avoir saisi plusieurs documents. La Région, elle, avait lancé une enquête interne en juin 2019. Selon les informations d'Imaz Press Réunion, elle était au courant de l'affaire dès 2015. Deux dossiers intéressent les gendarmes : la réhabilitation des lycées paul Langevin et de Vincendo à Saint-Joseph, et l'aménagement du Campus Pro de l'Océan indien (CPOI). De sources proches du dossier, on indique que des auditions de personnes mises en cause devaient avoir lieu dans les prochains jours. (Photo d'illustration rb/www.ipreunion.com)

Il y a de cela une semaine, les gendarmes menaient une triple perquisition dans les locaux de la Région. Les raisons de ces investigations se précisent. Les affaires, portées à la connaissance de la justice en décembre 2017, concernent notamment la SPL-Maraïna. Au moins deux affaires principales occupent actuellement les enquêteurs.

  • Réhabilitation des lycées de Saint-Joseph

Cette société publique locale, spécialisée dans les "projets d’aménagement, de construction et de gestion d’équipements et de services publics" est présidée par Fabienne Couapel-Sauret, également conseillère régionale.

En 2011, alors que Didier Robert est tout juste élu président du Conseil régional, la Région annonce qu'elle finance une enveloppe de 150 millions d'euros dédiée à la construction et à la réhabilitation des lycées de La Réunion. A Saint-Joseph, deux établissements sont concernés, celui du centre-ville (Paul Langevin) et celui de Vincendo.

Le 13 décembre 2012, la Région délibère et décide de fusionner les deux chantiers en une seule et unique opération, dont le montant total s'élève à 11 millions d'euros.

En 2013, la SPL-Maraïna - dont Didier Robert est encore PDG à cette époque -, récupère les dossiers de maîtrise d'oeuvre de ces opérations relevant de la compétence de la Collectivité régionale. Ainsi la société publique locale est mandatée par la Région pour agir en lieu et place du Conseil régional, en l'occurrence lancer des appels d'offres, demander des devis, etc.

À cette époque les comptes de la SPL-Maraïna ne sont pas au beau fixe. Une convention est signée entre la Région et la société, celle-ci est censée être rémunérée à hauteur de 4% du montant global de l'opération.

Le code des marchés publics stipule que toute opération dépassant les 5 millions d'euros doit obligatoirement faire l'objet d'un appel d'offres européen.

Ce dernier ne sera jamais lancé. En effet l'opération est scindée en plusieurs parties par la SPL-Maraïna en août 2015. Les parties sont d'un montant inférieur à 5 millions d'euros. Un seuil qui permet à la société publique locale de lancer des marchés à procédure adaptée (MAPA), une disposition légale dans ce cas.

La Région étant le financeur de la SPL-Maraïna pour ces marchés, ses services, en l'occurrence la Direction des bâtiments et de l'architecture (DBA), sont conduits à contrôler les procédures engagées par la société publique locale.

C'est à ce moment-là que des alertes sont lancées vers la hiérarchie de la DBA et de l'administration centrale de la Région. Tous sont mis en garde contre le montage choisi par la SPL-Maraïna, qui selon les alertes comporterait "des violations au code des marchés publics".

Des sources proches du dossier soulignent que la hiérarchie de la DBA et l'administration de la Région n'aurait jamais vraiment donné suite à ces alertes. La SPL poursuivi ses procédure. Les mêmes sources précisent que malgré la multiplication des courriers de mises en garde, toujours adressés à la DBA et l'administration centrale de la Région, les travaux ont malgré tout débuté début 2016. Aucune enquête interne, aucun contrôle n'auraient été diligentés par le conseil régional à cette époque malgré le signalement de faits précis.

En 2017, deux avenants viennent s'ajouter aux opérations. Ils dépassent les 5% du montant total des marchés. Le code des marchés publics prévoit qu'au-delà de ce seuil, un avenant doit être présenté devant la commission d'appel d'offres pour validation ou non.

De nouvelles alertes concernant un non-respect de la loi et sur "l'insécuirté juridique" entourant ces opérations sont lancées une fois encore en direction de l'administration centrale de la Région. Elles restent lettre morte.

Faute de réponse, l'ensemble du dossier, avec les mises en garde et tous les documents s'y rapportant, finissent donc par être transmis par le lanceur d'alertes au PNF fin 2017.

Lors des perquisitions menées le 14 novembre dernier, la Région avait tenu à préciser qu'elle avait elle-même mené une enquête à ce sujet. "En juin dernier, la Région Réunion a diligenté une enquête interne concernant une suspicion de procédures irrégulières liées aux marchés des établissements scolaires" a-t-elle détaillé dans un communiqué. Elle affirme ensuite que "la collectivité continue à collaborer afin de clarifier le dossier dans les meilleurs délais".

Lire aussi : Conseil régional : perquisitions à la Direction des bâtiments et de l'architecture

Les premières alertes en direction de la Région ont été lancées en août 2015. Le PNF mène ses investigations depuis début 2018. Les enquêteurs veulent déterminer les tenants, les aboutissants et les circonstances de la passation et de l'exécution de ces marchés.

  • Aménagement du Campus Pro de l'Océan indien

D'autres faits intéressent les gendarmes. Ils se rapportent cette fois à des défauts de construction constatés dans l'aménagement du Campus Pro de l'Océan indien (CPOI) de Saint-Pierre. Une structure chargée de la formation professionnelle, compétence relevant de la Région.

En 2009, le chantier du CPOI est lancé. C'est la GTOI qui a obtenu le marché pour un montant global de 85 millions. Quatre ans plus tard, il est constaté un affaissement des ateliers automobiles.

En septembre 2015, une expertise judiciaire est engagée par la Région Réunion. L'expert demande la démolition et la reconstruction des ateliers aux frais de la GTOI. Elle ne le fait pas et se contente d'étayer la structure. Les cours ne sont plus dispensés dans les ateliers.

En février 2016, les apprentis du CFA (centre de formation des apprentis) de Saint-Pierre manifestent leur mécontentement, réclamant "la reprise de l'enseignement technique du CPOI", jusqu'ici mis en pause.

Dans un courrier de la Région, qu'Imaz Press Réunion s'est procuré, Didier Robert affirme au directeur du CFA de Saint-Pierre que "suite à de nouveaux diagnostics défavorables de l'atelier existant", il a décidé "de ne pas poursuivre le projet initial de confortement de ce bâtiment, dans un souci de préserver la sécurité des usagers".

Le président de Région parle d'une "solution de relogement" dans l'ancien garage Renault de Saint-Pierre, à proximité du Campus Pro, "loué par la Région après aménagement du site". Le bâtiment d'origine, lui, est toujours laissé à l'abandon.

Dans un courrier qui date du 31 mai 2016, qu'Imaz Press Réunion s'est également procuré, le cabinet d'avocats en charge de ce chantier, réagit. Il pointe du doigt l'absence de réponse de la Région à ses demandes d'information, et constate que les contacts directs entre Région et GTOI ont été réguliers, malgré sa demande de cesser.

Complètement écarté de ce chantier – "je ne sais toujours pas ce qu'il en est de ces travaux" – il prend "acte de la rupture des conditions normales de la relation contractuelle de la Région avec le Cabinet".

Fait rare, l'avocat rompt la "relation contractuelle", pour "impossibilité de maîtriser le processus d'expertise judiciaire en cours, compte tenu des contacts directs entre la Région et GTOI et son assureur SMABTP sur ce dossier, auxquels je n'ai jamais été associé, ni même averti, et ce malgré mes demandes d'information et recommandations".

Sollicitée, la Région nous a répondu, évoquant l'enquête interne déjà en cours : "La collectivité vous le savez (cf communiqué de presse diffusé le 14 novembre) a diligenté une enquête interne concernant une suspicion de procédures irrégulières aux marchés des établissements scolaires. Nous rappelons par ailleurs que le résultat de cette procédure interne a été transmis par les services juridiques de la collectivité au procureur de la République. A ce stade il appartient aux autorités judiciaires de mener des investigations avec le concours de la collectivité qui mettra à disposition tous les éléments utiles."

mm / mb / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com

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8 Commentaires
zavoca marron
zavoca marron
4 ans

La loi MOP existent depuis le 12 juillet 1985...Ce qui est curieux dans cette affaire : c'est que la hiérarchie, l'administration, avait connaissances de ces irrégularités depuis 2015, et que l'agent en cause soit rester sur son poste de responsable jusqu'à aujourd'hui...il aura même été promu! En 2016, il voulait encore grimpé au grade summum (ingénieur en chef, avant la séparation du cadre d'emplois).L'immixtion se paiera chère ici... La pertinence de ces mandats opérationnels se pose au grand jour et en public : il y aura une assemblée plénière ce jeudi...28 onze...

ce n'est pas moi c'est lui
ce n'est pas moi c'est lui
4 ans

dans cette affaire, la spl va accuser le maitre d'oeuvre, la region la spl en tant que mandataire, la spl la region car elle a eu l'autorisation de signer, la spl la prefecture car le controle de legalité n'a rien signalé,... bref on se mord la queue ...ca finira juste avec un blame ...

CHABAN
CHABAN
4 ans

Lycée Professionnel Paul Langevin, Rue Émile Labonne, Saint-Joseph 97480, RéunionVincendo ?

Yab Sinjo
Yab Sinjo
4 ans

Il n'y a pas de lycée à Langevin ....(Il doit s'agir du lycée Paul Langevin, situé en centre ville de Saint-Joseph)

lol
lol
4 ans

pq l'assurance ne paie pas? garantie de 10 ans, elle est la pour ca non ?

By money
By money
4 ans

Ces SPL sont des pompes à fric .... enquête enquête du lourd avant 2021!!!!

MovéLang
MovéLang
4 ans

Sincèrement, je n'ai pas compris grand chose, il n'y a que magouilles et impunités.Des malfaçons sont constatées et Gtoi qui a encaissé 88 000 000 d'euros ne veut pas réparer

Aurore
Aurore
4 ans

La fabienne COUAPPEL en pense quoi de tout ceci ? Elle qui adore faire des communiqués à tout va!!!!! Ha ha ha toujours la balade en vélo pour faire rire des gens betent comme nous....