
A Imaz Press Réunion, nous nous étions mis d'accord pour lever un peu le pied à propos de notre cher président de Région. L'actualité c'est l'actualité, pourriez-vous rétorquer, mais nous avions décidé après plusieurs articles sur la Nouvelle Route du Littoral et le Run Rail d'accorder un peu de répit à Didier Robert. Du moins cette semaine…
Une pause qui fut de courte durée. Voilà qu'une poignée de minutes plus tard nous prenions connaissance d'un document aussi précieux que lapidaire.
Y sont listés tous les faits reprochés à Didier Robert dans l'affaire des musées régionaux. Le président de la collectivité régionale est appelé à se présenter devant le tribunal correctionnel le 19 novembre prochain.
Dans cette affaire il n'y a pas eu d'ouverture d'information judiciaire et donc pas d'instruction. C'est sur citation directe à l'issue de l'enquête préliminaire que Didier Robert est renvoyé devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis.
Il le sait désormais puisqu'il a reçu sa convocation pour l'audience. Imaz Press avait annoncé dès le 8 septembre dernier son renvoi devant le tribunal.
Nous voilà donc rattrapés par l'actualité et bien contraints d'expliquer de quoi il retourne. Afin d'éviter de tomber dans un flagrant délit de rétention d'informations – et uniquement pour cette raison – penchons-nous un peu plus précisément sur la longue liste de faits mettant en cause le président du Conseil régional. Sachez que nous en sommes navrés.
- Le salaire d'une amie double avant son licenciement -
Le document est concis et liste sans fioritures les faits reprochés. Un style presque brutal qui n'épargne pas le mis en cause.
Didier Robert ne sera pas seul dans le box des prévenus le 19 novembre. Est convoquée également l'ancienne responsable des finances de la SPL des musées régionaux. Celle-ci comparaît pour avoir "sciemment recelé les sommes qu'elle savait provenir du délit de prise illégale d'intérêt commis par Monsieur Didier Robert" indique la convocation du tribunal.
Le président de Région est en effet visé pour une augmentation de salaire douteuse alors qu'il était à la tête de la SPL. Le 1er janvier 2017 il signe un avenant au contrat de travail de la salariée moins d'un mois avant la signature de sa rupture conventionnelle pour un départ effectif le 1er avril de la même année.
Cela a retenu l'attenion de la justice. "Du fait de leur relation d'amitié, il avait un intérêt moral dans cette opération" peut-on lire dans la convocation.
Cette affaire avait d'abord été soulevée par la chambre régionale des comptes (CRC), à l'origine de la procédure, pointant du doigt des "augmentations de salaire qui peuvent être contestées". "L'ancienne responsable des finances a vu son salaire quasiment doubler suite à une transformation de son poste en celui de chargée de mission" détaille la chambre dans son rapport.
Rapport qu'Imaz Press s'était procuré avant que le document soit rendu public.
Si la SPL se justifiait par "le versement d'une indemnité de fonction permettant à l’intérimaire d’atteindre le niveau de salaire de la personne qu’elle remplace", la CRC, elle, n'a jamais partagé cette analyse.
L'augmentation en question aurait dû en effet se caractériser par "le versement d'une prime", or c'est un avenant au contrat qui a été signé, note la chambre. S'ajoutent à ça le manque d'explications sur le poste concerné et le fait que la majoration de salaire "ne repose pas sur une application correcte de l’accord d’entreprise".
Une augmentation aussi colossale que soudaine, trois mois avant de voir sa salariée - une amie qui plus est -, quitter la SPL. Autant de détails qui semblent chiffonner la justice.
- Intérêt contraire à celui de la SPL et "fins personnelles" -
À la barre du tribunal, Didier Robert expliquera peut-être qu'il a toujours été rigoureux et n'a jamais souhaité agir pour son intérêt personnel.
C'est d'ailleurs ce qu'il avait répondu mot pour mot le 8 septembre dernier, réagissant à notre article révélant son renvoi devant le tribunal correctionnel.
"J'ai toujours travaillé avec sérieux et rigueur pour installer une gestion saine et apaisée des musées régionaux et remettre cette société en ordre de marche" avait-il déclaré par voie de communiqué. "J'aurai à contester les griefs qui me sont aujourd'hui reprochés et à faire la démonstration qu'aucun enrichissement personnel ou abus ne peuvent m'être reprochés. J'ai toujours agi dans l'intérêt de la société. De manière plus globale, c'est l'intérêt général seul qui dicte mon action."
Une diatribe émouvante pourtant démolie par la convocation du tribunal. Les termes employés ont le mérite d'être clairs. A propos de son salaire de président de la SPL des musées régionaux, il lui est reproché par écrit d'avoir "fait de mauvaise foi, des biens de cette société (la SPL - ndlr) un usage qu'il savait contraire à l'intéret de celle-ci à des fins personnelles en l'espèce en percevant une rémunération nette de 6.800 euros par mois sans autorisation du Conseil d'administration de la société et alors que la société traversait une crise économique justifiant plusieurs licenciements".
Neuf personnes avaient en effet été menacées de licenciement et sept d'entre elles avaient dû quitter leur poste en 2018. Par la suite, plusieurs anciens salariés avaient tenté un recours devant les Prud'hommes, estimant leur licenciement abusif.
Lire aussi : Quand les Musées régionaux font tout pour se séparer de deux salariés... et échouent
Pas d'autorisation du Conseil d'administration de la société non plus lorsque Didier Robert a perçu "des jetons de présence d'un montant unitaire de 500 euros et représentant une somme totale de 5.500 euros". Une somme perçue, une fois de plus, "à des fins personnelles" selon la convocation adressé par la justice.
Un intérêt propre également au moment de participer au vote portant sur "la rémunération maximale susceptible de lui être octroyée". Tout comme "en ayant présidé et voté les délibérations du conseil d'administration et de l'assemblée générale de la SPL RMR alors qu'elles portaient sur la fixation de sa rémunération" en juillet et novembre 2018.
L'occasion pour la justice de rappeler le terrible oubli du président de Région au moment de déclarer ses revenus en 2017. Un oubli qui concerne directement son salaire de président directeur général de la SPL des musées régionaux "dans les deux mois suivant sa première perception, alors que cette rémunération représentait une partie substantielle de ses revenus, 51% jusqu'au 30 septembre 2017, puis 75%" relève le parquet.
Le 10 avril 2019, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avait en effet annoncé avoir saisi la justice et la déclaration d'intérêts de Didier Robert avait atterri sur le bureau du procureur. Une affaire également révélée par Imaz Press.
Lire aussi : cher Monsieur Didier Robert, comptez sur nous... et sur notre soutien bien sûr
- Une affaire parmi tant d'autres -
Didier Robert va-t-il sortir à nouveau la carte du "je ne savais pas" ? Va-t-il se cacher derrière de potentielles erreurs administratives qui ne seraient évidemment pas de son fait ? On le sait, les hauts fonctionnaires sont plus que précautionneux. Si irrégularités il y a eu – et elles paraissent nombreuses – cela semble bien étonnant qu'elles ne soient pas arrivées sur le bureau du président de Région à un moment ou un autre.
Dans ce cas, si la faute est effectivement rejetée sur les autres, peut-être faudrait-il s'interroger sur les professionnels dont on s'entoure et qui manquent manifestement d'un profond discernement…
A noter que si la liste des faits reprochés est longue, la convocation ne concerne que l'affaire des musées régionaux. Pas (encore) les autres enquêtes en cours.
Lire aussi : Quatre enquêtes préliminaires en début de campagne, ça fait désordre...
Une autre procédure porte sur le nombre de collaborateurs et conseillers techniques employés par la Région. A l'époque Imaz Press révélait que le cabinet comptait pas moins de 166 membres.
Lire aussi : Emplois au Cabinet de la Région : une procédure judiciaire est ouverte
Autre affaire qui date de 2015 : une quinzaine de perquisitions avaient été menées au domicile de Didier Robert et de ses proches dans le cadre d'une enquête préliminaire pour corruption ouverte par le parquet national financier. Dans cette affaire portant sur l'attribution des marchés de la Nouvelle Route du Littoral, le conseiller régional Dominique Fournel avait d'ailleurs été placé en garde à vue.
Aucune indication n'a été donnée pour un renvoi éventuel au tribunal ou un classement sans suite de ces affaires. Pour celle des musées régionaux, le procès est donc fixé au 19 novembre, à 8 heures.
mm / mb / www.ipreunion.com / redac@ipreunion.com
23 Commentaire(s)