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Afrique du Sud: les townships se mettent au régime Banting

  • Publié le 25 septembre 2015 à 12:44

Au menu de Nasreen Riley, au régime depuis deux mois: des foies de poulet frits, relevés d'une sauce tomate-crème fraîche.

Cette habitante d'un quartier pauvre du Cap s'est convertie au régime Banting, réputé onéreux mais introduit récemment dans des townships en Afrique du Sud.
Cette fonctionnaire de 42 ans est enchantée par les résultats de son régime pourtant controversé: il est riche en graisses et pauvre en glucides, et fait un tabac depuis plusieurs années des Etats-Unis à l'Europe, en passant par l'Afrique.
"Bon nombre de mes vêtements sont maintenant trop larges. Ma peau est plus saine. Les gens me font des compliments", affirme Nasreen, fière d'avoir perdu 7 kilos en deux semaines. Sa balance affiche désormais 103 kilos.
Supprimer le pain, les pâtes et le sucre, et manger en grandes quantités viande, fromage et crème fraîche divisent les diététiciens, mais ce régime, popularisé dans la deuxième moitié du XIXe siècle par le Britannique William Banting, rencontre un vrai succès en Afrique du Sud, qui compte 20% d'obèses.
A tel point qu'en juin, une actrice sud-africaine, Euodia Sampson, connue pour ses séries télévisées, et un professeur en médecine du sport, Timothy Noakes, ont lancé un programme de perte de poids basé sur le régime Banting dans des quartiers rongés par la pauvreté.
Depuis juin, une quarantaine de volontaires, dont un seul homme, se sont inscrits dans ce groupe informel à Ocean View, un township du Cap. Après huit semaines de régime, la plupart ont perdu du poids, affirment les initiateurs du projet.
"Mon rôle consiste avant tout à balayer le mythe du régime élitiste, à cause de la crème, des steaks et des fromages, une alimentation souvent réservée aux classes moyennes et élevées" en raison de son coût, explique Euodia Sampson, 46 ans.
- Pieds de cochon et pancréas -
Ce régime est en fait tout à fait abordable, assure-t-elle. Elle en veut pour preuve le fait que ceux qui le suivent se débrouillent avec un budget alimentaire modeste - même pour les townships - de 30 rands (2 euros) par jour.
Leur secret ? Ils mangent des morceaux de viande moins nobles et donc moins chers, comme le foie, les reins, le pancréas ou encore les pieds de cochon, ainsi que des ?ufs et des sardines.
"C'est tout simplement le régime alimentaire de nos aïeux, dit à l'AFP Timothy Noakes. Ils mangeaient l'intégralité des animaux, du nez jusqu'à la queue".
A quelques rues de chez Nasreen Riley, Darrol Fowkes, au chômage, affirme avoir perdu 10 kilos en cinq semaines seulement. Il pèse désormais 118 kilos.
Au petit-déjeuner, ce père de famille de 42 ans casse deux ?ufs, y ajoute de la crème fraîche et avale le tout d'un trait. "Je peux tenir toute la journée" sans rien manger d'autre, assure-t-il.
Les membres du groupe Banting d'Ocean View - où aucune adhésion n'est requise - se réunissent deux fois par semaine dans une salle de gym pour brûler des calories. Le reste du temps, ils communiquent par WhatsApp et Facebook pour s'encourager et échanger des recettes.
Le projet fait des émules. Il sera prochainement introduit dans d'autres townships du Cap - Delft et Lavenderhill, les quartiers parmi les plus dangereux de la ville.
Des diététiciens mettent toutefois en garde contre les conséquences sur la santé de ce régime et préviennent qu'il ne permet pas de perdre du poids durablement.
Selon le professeur Tess van der Merwe, endocrinologue et spécialiste de l'obésité, un régime saturé en graisses peut provoquer du diabète, des maladies cardio-vasculaires, une cirrhose du foie, ou encore être lié à des cancers. Elle accuse aussi Timothy Noakes d'"influencer une partie vulnérable et naïve de la population".
Des critiques que balaie le professeur en médecine du sport, accusant les détracteurs du régime Banting de méconnaître les maladies qui ravagent les classes pauvres sud-africaines. Les anti-Banting "ne vont pas dans les quartiers voir ce qu'il s'y passe vraiment. Ce ne sont pas eux qui amputent les jambes des diabétiques dans les hôpitaux. Les maladies cardio-vasculaires sont un problème mineur: le problème, c'est le diabète", dit-il.
Et d'ajouter: "Lorsque ces femmes commencent le régime, elles commencent à mieux se porter. Mais plus important encore, pour la première fois de leur vie, elles prennent leur destin en main."

Par Susan NJANJI - © 2015 AFP
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