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Au palais de justice de Melun, les avocats sous le choc

  • Publié le 29 octobre 2015 à 19:34

"Choqués" et "très émus", les avocats peinent à trouver leurs mots au tribunal de Melun, que les uns et les autres décrivent comme "très calme".

Jeudi matin pourtant, un de leurs confrères a tiré sur le bâtonnier, avant de se suicider.
Dans une aile réservée aux avocats située au deuxième étage du bâtiment de verre et d'acier, Joseph Scipilliti, 63 ans, entre dans les locaux de l'ordre. Il est 09H30 et Me Scipilliti, suspendu par le conseil de l'ordre des avocats pour des manquements déontologiques, a rendez-vous avec le bâtonnier Henrique Vannier.
Trois coups de feu retentissent. Puis un quatrième.
"Dans tous les bureaux considérés sensibles, il y a une +pédale-agression+ sous les bureaux", qui "permet de prévenir le PC sécurité en cas de problèmes", témoigne un agent de sécurité, affecté depuis une dizaine d'années dans ce tribunal de Seine-et-Marne.
L'alarme est donnée "depuis le bureau du bâtonnier", raconte sous couvert de l'anonymat le premier secouriste présent sur les lieux.
A son arrivée, avec les deux policiers qui l'accompagnent, l'agent évacue l'étage, avant de trouver le bâtonnier blessé mais "conscient" et de lui "prodiguer les premiers soins", témoigne ce grand gaillard d'une quarantaine d'années. Il sera ensuite évacué dans un hôpital de région parisienne. Me Scipilliti, lui, s'est tué en retournant son arme contre lui.
Au rez-de-chaussée du bâtiment, robes noires, proches, jurés et journalistes sont présents en nombre pour assister au procès des parents de la petite Inaya, bébé de 20 mois retrouvée enterrée dans la forêt de Fontainebleau en 2013.
"On attendait l'ouverture du procès d'assises", explique à l'AFP Fatthi Irguedi, avocat au barreau de Melun, lorsque la présidente de la cour d'assises suspend la séance en raison de ces "événements graves".

- 'Yeux perdus dans le vague' -

"Je n'ai pas entendu de coups de feu, j'ai vu que ça s'agitait, j'ai vu pas mal de policiers courir, entendu des sirènes", raconte avec émotion Me Irguedi. "C'est un choc pour l'ensemble de nos confrères, pour moi-même et voilà... On s'attendait à tout sauf à ça", ajoute-t-il.
"C'est un incident effroyable", renchérit son confrère Rodolphe Costantino, avocat au barreau de Paris.
"Cette profession a perdu de sa superbe mais on peut encore entrer dans un palais en tant qu'avocat juste en montrant sa carte", ajoute-t-il, espérant que "ça restera comme ça".
Dans le tribunal, avocats et magistrats ne sont pas contrôlés à leur entrée ou fouillés dès lors qu'ils présentent leur carte professionnelle.
Alors que les enquêteurs entament leurs investigations, et interrogent les quelques témoins, les agents de sécurité réfutent tout problème de sécurité.
"On le connaît tous. Il est arrivé comme tous les matins, les yeux perdus dans le vague. C'est quelqu'un de poli, qui dit bonjour, comme ce matin encore", a raconté à l'AFP un des agents de sécurité du tribunal.
"C'est un tribunal dans l'ensemble très calme", reconnaît un collègue, employé au tribunal depuis quatre ans. "On a plutôt l'habitude de voir des bagarres générales, lors de procès d'assises ou en correctionnelle, des agressions ou des insultes", ajoute l'homme qui se souvient: "Le seul mort qu'on a eu ici, c'était une crise cardiaque en 2010."

Par Jocelyne ZABLIT - © 2015 AFP
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