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Les années de cauchemar de Morgane, victime de violences conjugales

  • Publié le 23 novembre 2015 à 17:49

"Dans trois heures, je te défonce".

Le compte à rebours commence avant que Morgane soit rouée de coups par son compagnon, pour un oeuf mal préparé, du ménage mal fait ou un regard jeté à un autre homme.
Cet enfer, Morgane Seliman, 32 ans, l'a vécu pendant quatre ans avant de quitter cet homme brutal, témoigne-t-elle à quelques jours du 25 novembre, dédié chaque année à la lutte contre les violences faites aux femmes.
"J'étais retenue par la peur des représailles, notamment sur ma famille, et l'espoir qu'il change. La peur, ça rend bête", dit-elle à l'AFP.
Aujourd'hui installée en Seine-Maritime, elle raconte son histoire dans un livre paru en octobre aux éditions XO Document, "Il m'a volé ma vie".
Quand elle rencontre Y., Morgane est impressionnée par son assurance et sa détermination à la séduire. Les deux premières années de vie commune, en région parisienne, sont émaillées de disputes parfois violentes, mais elle se persuade qu'il ne s'agit que de "petites crises".
C'est pendant sa grossesse que les violences s'accroissent. "Du jour où j'ai été enceinte, je n'ai plus répondu et je me suis protégée. Les choses ont basculé. Il frappait partout sauf le ventre".
Suivront plusieurs années où elle vit totalement sous l'emprise de son compagnon, d'autant plus qu'elle a arrêté de travailler et s'est coupée de sa famille et de ses amis.
Il en fait son esclave domestique et la frappe à la moindre contrariété, dans un premier temps jamais devant leur fils. D'où les effrayants comptes à rebours, en attendant que le petit soit couché. Et pourtant, elle continue d'encaisser la violence et "l'humiliation permanente".
"Jusqu'au jour où je revois un ami d'enfance, qui va me donner du courage". Elle contacte une association d'aide aux femmes victimes de violences conjugales, rencontre une psychologue, participe à un groupe de parole.
- "oser en parler" -
"C'est grâce à toute cette aide que six mois plus tard, je vais avoir la force de quitter mon ex-compagnon, lorsqu'il met une fessée à mon fils. Je me dis +c'est la première et la dernière+". Et puis elle ne veut pas que son fils grandisse avec l'idée qu'il est normal de frapper une femme.
Cette fois, elle porte plainte et son compagnon, qui blesse deux gendarmes lors de son interpellation et avait déjà plusieurs condamnations à son actif, est condamné à 18 mois de prison dont 12 mois ferme.
Quand il sort de prison, il la harcèle, surtout quand on lui enlève son bracelet électronique et qu'il n'a plus de contrainte d'éloignement. Avec l'aide de l'association, Morgane se réfugie dans un foyer à Saint-Etienne et vit depuis janvier 2015 dans un appartement en Normandie, avec son fils.
Aujourd'hui, nouvelles inquiétudes. "L'ordonnance de protection, qui lui interdisait tout contact avec moi, a pris fin le 17 novembre à minuit", disait-elle à l'AFP la semaine dernière. "Après la sortie du livre et mon passage dans une émission de télévision, il a laissé des menaces de mort sur mon répondeur".
Son message aux femmes victimes de violences conjugales? "Oser en parler, aller voir une association ou un psychologue, participer à un groupe de parole, ne pas rester seule. Moi ça m'a vraiment aidée de rencontrer d'autres femmes dans ma situation ou qui s'en sont sorties".
Selon le ministère de l'Intérieur, 118 femmes sont mortes en 2014, victimes de leur conjoint ou "ex", soit presque une tous les trois jours en moyenne.
Plus de 200.000 femmes par an seraient victimes de violences conjugales, mais moins d'une sur trois le signale à la police ou la gendarmerie. Le gouvernement a lancé il y a deux ans un plan de lutte contre les violences faites aux femmes, visant notamment à encourager le dépôt de plainte, de préférence aux mains courantes.

- © 2015 AFP
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