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A deux pas des fleurs et des bougies de la place de la République, des migrants afghans

  • Publié le 22 décembre 2015 à 16:50

Il est 09H00, place de la République à Paris, quand, entre le bruit des voitures et le défilé de gens qui rendent hommage aux victimes des attentats, une centaine de migrants venus la plupart d'Afghanistan s'éveillent.


Samedi, après une manifestation en soutien aux migrants, ils étaient une dizaine à décider de poser leurs baluchons sur cette place emblématique du centre de la capitale, devenue cette année le lieu d'hommage aux victimes des attentats de janvier puis de novembre.
Ni tente ni abris, "ils sont 250 à 300 hommes", selon des bénévoles, à dormir sur des matelas posés au sol, sur la place, là même où des militants du Droit au logement (DAL) et des familles mal-logées s'étaient installés pendant plusieurs semaines, jusqu'au mois dernier.
Serviette en cuir à la main, mocassins cirés aux pieds, enfoncé dans son caban noir, Shahram, 29 ans, a vécu lui aussi pendant des mois dans la rue. "Aujourd'hui je travaille sur un marché", raconte le jeune homme, brandissant fièrement sa carte qui l'autorise à mener une activité commerciale remise par la chambre de commerce et d'industrie.
"Beaucoup des migrants qui sont ici ont des récépissés, ils attendent simplement leur rendez-vous à la préfecture" pour une demande d'asile, estime le jeune homme, qui vient chaque jour aider, écouter ses compagnons d'infortune.
- "Compassion" -
Baloch, 28 ans, dit qu'il était interprète pour l'armée américaine en Afghanistan. Arrivé en France il y a 5 mois, il a dû laisser ses trois enfants et son épouse en Afghanistan pour rejoindre l'Europe.
"C'est très bizarre", estime le jeune migrant engoncé dans sa veste en treillis, "la France est l'un des sept ou huit pays les plus riches au monde ... et on dort dehors". "Je crois que l'Occident devrait prendre ses responsabilités", estime Baloch, venu "chercher une vie meilleure, tout simplement".
"Quand je les vois ici, j'ai de la compassion", déclare un jeune cadre d'entreprise qui, en attendant une amie, observe le mémorial en hommage aux 130 victimes des attentats du 13 novembre, derrière lequel une centaine d'hommes venus d'Afghanistan quittent lentement sacs de couchage et matelas.
"Un mémorial et un campement de migrants sur la même place, c'est pas incohérent", estime Guillaume, qui en appelle d'abord à "une volonté politique" pour changer la donne et faire en sorte que les migrants "puissent dormir au chaud".
Pour Noura, 50 ans, "c'est une aberration": "Je vois pas mal de monde, tout le temps, autour du mémorial. Très bien, mais il faudrait aussi tourner la page et continuer à vivre", pense cette psychologue. "Il faut s'occuper de ceux qui sont là, vivants!"
Confronté à un afflux de migrants depuis le printemps dans la capitale, les pouvoirs publics ont évacué une série de campements (La Chapelle, Austerlitz, lycée Jean-Quarré...), assurant que quelque 2.200 personnes ont été prises en charge, avec des solutions d'hébergement, notamment pour leur donner le temps de remplir une demande d'asile.
Mais tous n'y sont pas éligibles et les associations assurent voir revenir certains d'entre eux. Et de nouveaux migrants continuent d'arriver.

Par Ambre TOSUNOGLU - © 2015 AFP
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