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Cambodge: Kerry a demandé à Hun Sen de respecter la démocratie

  • Publié le 26 janvier 2016 à 22:38

En visite au Cambodge, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a insisté mardi auprès de l'inamovible Premier ministre Hun Sen sur la nécessité de respecter la démocratie et les droits de l'homme, tout en saluant le dynamisme économique de ce petit pays d'Asie.


Après des discussions "franches" avec l'homme fort du pays au pouvoir depuis 1985, le chef de la diplomatie américaine a exprimé devant la presse son "espoir" que les dirigeants cambodgiens "réalisent les avantages d'une démocratie multipartite prospère".
Dans une allusion claire à la répression contre l'opposition, dont le chef Sam Rainsy a dû récemment, et une nouvelle fois, s'exiler pour éviter la prison, John Kerry a martelé que les élus devaient pouvoir ?uvrer sans "craindre d'être attaqués ou arrêtés". Avant les législatives de 2018, "il est important que se mette en place un débat politique énergique mais apaisé", a-t-il ajouté.
Après une période de calme, les relations entre Hun Sen, 63 ans, et ses opposants se sont tendues ces derniers mois. Le Premier ministre entend renforcer son emprise sur les institutions du royaume et continue à réprimer tout mouvement de rue et toute dissidence, notamment sur les réseaux sociaux.
Un jeune homme a ainsi été arrêté pour avoir prédit la mort de Hun Sen et un autre pour appel sur Facebook à une "révolution de couleur".
La mise sur pied d'un "partenariat stratégique" entre les Etats-Unis et le Cambodge doit aller de pair avec le "respect des droits de l'homme, des libertés universelles et une bonne gouvernance", a insisté M. Kerry, qui a aussi rencontré Kem Sokha, chef intérimaire de l'opposition et des représentants de la société civile.
Ces derniers l'ont exhorté à accentuer la pression sur Hun Sen, qu'ils accusent de pratiques autoritaires contre opposants, dissidents ou syndicalistes.
Pour Chak Sopheap du Centre cambodgien pour les droits de l'homme, le secrétaire d'Etat a envoyé un "message clair" sur les "priorités" américaines qui ne visent pas "uniquement à renforcer les relations économiques". Mais la responsable a "maintenant exhorté l'administration américaine à veiller à ce que cet engagement reste au centre des discussions du sommet USA-Asean". Les 15 et 16 février, le président Barack Obama recevra en Californie les dirigeants des dix Etats membres de l'Association des nations d'Asie du sud-est.
- Moteur économique -
Au plan économique, John Kerry s'est félicité des "progrès remarquables" réalisés par le Cambodge depuis la fin des années 1970 après le régime génocidaire des Khmers rouges, notamment pour le développement impressionnant de Phnom Penh.
Le Cambodge, où trois millions de personnes vivent encore sous le seuil de pauvreté, est effectivement un moteur de la croissance régionale. La Banque mondiale estime que le taux de croissance du PIB pourrait atteindre 7% cette année, grâce aux exportations du secteur textile, qui fournit de grandes marques comme Nike ou Gap.
- Contrebalancer Pékin -
Stratégiquement, les Etats-Unis cherchent à s'appuyer sur une Asean unifiée pour pouvoir contrebalancer le poids de Pékin en Asie-Pacifique, la région prioritaire pour la diplomatie Obama.Washington milite pour l'unité de l'Asie du sud-est, dont certains de ses Etats membres ont de graves contentieux territoriaux avec Pékin en mer de Chine méridionale. Phnom Penh comme Vientiane sont considérés comme les Etats membres d'Asie du sud-est les plus proches de Pékin. John Kerry, arrivé tard mardi à Pékin, en discutera d'ailleurs avec les dirigeants chinois mercredi.
Le ministre américain a également évoqué les ravages des conflits militaires en Asie du sud-est dans les années 1970.
Avec Hun Sen, qu'il connaît bien, John Kerry s'est félicité de leur coopération pour mettre sur pied le tribunal qui juge d'anciens caciques du régime des Khmers rouges encore en vie. Il s'est dit "fier" de ce tribunal créé après des années d'efforts internationaux.
L'idéologue du régime, Nuon Chea, 89 ans, et le chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique", Khieu Samphan, 84 ans, comparaissent depuis 2011 pour leurs responsabilités dans les atrocités commises entre 1975 et 1979 au nom d'une utopie marxiste délirante qui prétendait défaire la société de la contrainte de l'argent et bannir la religion. Déjà condamnés à la prison à vie dans un premier procès, ils sont de nouveau jugé depuis 2014 pour génocide des Vietnamiens et de la minorité musulmane cham.

Par Anne-Laure MONDESERT - © 2016 AFP
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