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Jacques Rivette, artisan inspiré du cinéma

  • Publié le 29 janvier 2016 à 17:40

Artisan inspiré du cinéma, figure de la Nouvelle Vague, Jacques Rivette, décédé vendredi à 87 ans, était le réalisateur plein de rigueur de "La religieuse" -un temps interdit-, "Céline et Julie vont en bateau", ou "La belle noiseuse".


Homme discret, voire secret, érudit, d'une immense mémoire, Jacques Rivette était un cinéaste influent mais qui se tenait artistiquement en marge, souvent ignoré par le grand public.
Longtemps réalisateur confidentiel, il avait fait l'actualité en 2015 avec la sortie en salles et en DVD de son film fleuve "Out 1", d'une durée de 12 heures 30 minutes et réalisé en 1971. Il n'avait jamais été exploité en salles dans cette version.
Considéré par la critique et une partie de la profession comme un événement majeur, ce film est une adaptation fort libre d?"Histoire des Treize", un roman de Balzac. Le film doit donc durer 13 heures avait dit en substance Rivette, mi-blagueur, mi-sérieux. Au générique, on trouvait les acteurs de la Nouvelle Vague comme Jean-Pierre Léaud, Michael Lonsdale, Bernadette Lafont et surtout, Bulle Ogier, sa muse.
Pour lui, les films pouvaient être expérimentaux. Il n'hésitait pas à bousculer des codes en vigueur, à tourner des films très longs pour imposer un rythme lent, laissant au spectateur une certaine liberté pour découvrir les personnages. "On ne peut pas passer à travers les films de Rivette sans en être changé. Dans ces organismes vivants, on fait sa propre vie, deux, trois, quatre heures durant", a résumé un critique.
Avec les acteurs, ce passionné de théâtre, travaillant souvent sur des histoires de complot, adorant filmer la déambulation de gens dans les rues de la capitale, utilisait une méthode qu'il avait longtemps conservée : pas de scénario, mais un canevas d'une quinzaine de pages, donné la veille ou parfois le jour du tournage, à partir duquel les comédiens prennent possession de leur personnage. "Il nous donne la possibilité d'être aussi auteurs", a dit le comédien Sergio Castellito.
- 'La Religieuse' censurée -
Fils de pharmacien, il naît à Rouen le 1er mars 1928. En 1949, il s'inscrit à la Sorbonne mais il fréquente davantage le ciné-club du Quartier latin que les amphis. En 1950, il fonde La Gazette du cinéma avec Eric Rohmer. Critique aux Cahiers du cinéma, il en est le rédacteur en chef de 1963 à 1965. Assistant de Jacques Becker et de Jean Renoir, il réalise en 1958 son premier long métrage, "Paris nous appartient".
Son second long-métrage est "La Religieuse", réalisé d'après le roman de Diderot. Anna Karina y interprète Suzanne, une jeune fille mise de force dans un couvent mais qui refuse de prononcer ses voeux. Il devient célèbre à cause de l'interdiction (qui ferait sourire aujourd'hui) "pour ne pas heurter gravement les sentiments et les consciences d'une très large partie de la population". La censure du film est levée en 1967, un an après sa sortie, avec toutefois une interdiction aux moins de 18 ans.
Avec "L'Amour fou" (1968) et, donc, "Out 1", il approfondit ses recherches sur l'improvisation et le mélange entre fiction et documentaire. Avec "Céline et Julie vont en bateau", il touche au fantastique mais revient à un certain réalisme dans "Le Pont du Nord".
Emmanuelle Béart pose pour "La Belle noiseuse" en 1991 avec Michel Piccoli, et Sandrine Bonnaire est Jeanne d'Arc dans un film en deux épisodes "Jeanne la Pucelle". En 2000, Jacques Rivette réalise "Va savoir", une comédie librement inspirée du Carrosse d'or de Jean Renoir, cinéaste auquel il avait consacré en 1966 un documentaire intitulé "Jean Renoir, le patron".
Jacques Rivette est fidèle à ses comédiens, puisqu'il refait tourner Sandrine Bonnaire et Emmanuelle Béart, la première dans "Secret Défense" (1997), la seconde dans "Histoire de Marie et Julien" (2003), deux films qui voient le cinéaste renouer avec sa veine sombre. Son dernier film, en 2009, était "36 vues du pic Saint-Loup".

- © 2016 AFP
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