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Christine Lagarde, une ascension fulgurante faisant fi des obstacles

  • Publié le 11 février 2016 à 19:08

Seule candidate à sa propre succession à la tête du FMI, Christine Lagarde s'est frayée un chemin jusqu'au gotha des leaders mondiaux lui garantissant des soutiens de poids, tout en conservant l'image d'une dirigeante à l'épaisse carapace.


Avocate d'affaires aux États-Unis, ministre de l'Économie en France sous Nicolas Sarkozy: cette française, fille d'enseignants et mère de deux fils, a trouvé en dix ans sa place dans les hauts lieux du pouvoir mondial où les femmes ne sont pas légion.
Au terme de son premier mandat à la tête du FMI, personne ne s'est présenté face à elle et elle a vite reçu les soutiens nécessaires à sa réélection qui devrait être formalisée en mars.
Propulsée en juillet 2011 à la tête du FMI et de ses 188 Etats-membres, l'ex-ministre a dû patiemment redorer le blason d'une institution traumatisée par la démission fracassante de Dominique Strauss-Kahn sur fond de scandale sexuel.
Offrant le visage plus consensuel d'une femme végétarienne, cheveux blancs, à l'allure sportive, elle a également dû défendre l'action du FMI en Grèce ou en Ukraine et n'a pas hésité à prodiguer des recommandations fermes aux très puissantes banques centrales américaine et européenne.
A tout juste 60 ans, la seule ombre au tableau de sa brillante carrière est son renvoi en justice dans l'affaire de l'arbitrage Tapie-Crédit Lyonnais, qui remonte à l'époque où elle était ministre de l'Economie en France.
Mme Lagarde, qui a fait appel de cette décision, s'est toutefois toujours assurée du soutien du conseil d'administration du FMI. Et ses tracas judiciaires n'ont pas empêché de grands pays comme les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou la Chine de lui apporter leur soutien.
- Franc-parler -
Les États-Unis occupent une place à part dans sa carrière. C'est là qu'elle part étudier pendant un an et c'est également outre-Atlantique, des années plus tard, qu'elle prendra la présidence du cabinet d'avocats Baker & McKenzie avant d'être remarquée par la droite française.
Débauchée en 2005, elle deviendra en 2007 la première femme à diriger le ministère de l'Économie en France où elle signera un record de longévité en y restant jusqu'en 2011.
Son adaptation n'a pas été sans heurts. En 2005, pour sa première entrée dans un gouvernement au portefeuille du Commerce extérieur, elle juge le code du travail français "compliqué" et "lourd", suscitant un tollé.
A la tête de Bercy deux ans plus tard, en pleine flambée des prix des carburants, elle appelle les Français à "utiliser leur bicyclette", contribuant à forger d'elle l'image d'une femme parfois en décalage avec la réalité.
Son arrivée à la tête du FMI n'aura pas raison de son franc-parler. Elle provoquera ainsi un tollé en appelant au printemps 2012 les Grecs, essorés par les plans d'austérité, à payer tous "leurs impôts".
Mme Lagarde n'a pas non plus hésité à froisser ses anciens partenaires européens, en les appelant à recapitaliser leurs banques "d'urgence" ou en les exhortant à alléger la dette grecque.
Sous son mandat, le FMI n'aura cependant pas su empêcher le plus grand défaut de paiement de son histoire avec la Grèce.
En interne, la dirigeante a dû batailler pour convertir peu à peu le FMI, gardien de l'orthodoxie budgétaire, au combat pour l'égalité des sexes, contre les inégalités sociales et le réchauffement climatique.
Son bilan au FMI s'est récemment enrichi de deux succès majeurs: la reconnaissance du yuan chinois comme monnaie de référence et, surtout, le déblocage d'une réforme de la gouvernance du FMI pour laquelle elle s'était dite prête à exécuter une "danse du ventre".
Résultat: certains pays émergents, pourtant très remontés contre la surreprésentation des Occidentaux au sein du FMI, lui rendent hommage.
Le fond de sa pensée économique reste toutefois difficile à cerner, d'autant qu'elle a dû accompagner le lent et tortueux aggiornamento du FMI sur l'austérité.

Par Hugues JEANNEAUD - © 2016 AFP
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