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Brésil: la gauche appelle à manifester contre le gouvernement "illégitime" de Temer

  • Publié le 16 mai 2016 à 21:58

La gauche brésilienne a appelé lundi à manifester contre le gouvernement "illégitime" du président par intérim Michel Temer qui se préparait à un délicat baptême du feu social avec les syndicats sur une impopulaire réforme des retraites.


Le Parti des travailleurs (PT, gauche) de Dilma Rousseff, écartée jeudi du pouvoir dans le cadre d'une procédure de destitution controversée, a appelé à la mobilisation contre son successeur, le vice-président Michel Temer qui a travaillé à sa chute.
"La réaction populaire au coup d'Etat continue et les manifestations de protestation et de dénonciation doivent se poursuivre", a écrit le président du PT, Rui Falcao, sur les réseaux sociaux.
"L'opposition ferme et consistante doit se combiner à une pression pour convaincre les sénateurs de ne pas valider une destitution sans base légale, dénoncée par des milliers de juristes, des gouvernements progressistes et des organes de presse internationaux", a-t-il ajouté.
M. Temer, 75 ans, a assumé vendredi la présidence du Brésil par intérim après l'ouverture d'un procès en destitution de Mme Rousseff, 68 ans, pour maquillage des comptes publics, lors d'un vote historique du Sénat qui a mis fin à 13 années de gouvernements de gauche.
Mme Rousseff, accusée par la droite d'avoir dissimulé l'ampleur des déficits publics pour se faire réélire en 2014, a été ainsi automatiquement suspendue de ses fonctions pour un délai maximum de six mois, en attendant le jugement final des sénateurs.
Ses chances de revenir au pouvoir sont jugées quasi-nulles, plus des deux tiers des sénateurs ayant approuvé l'ouverture de son procès.
Dimanche, des milliers de personnes ont manifesté à Sao Paulo et Belo Horizonte (sud-est) notamment contre le gouvernement de droite formé par M. Temer, un ex-allié devenu rival de Mme Rousseff.
Lundi à Rio, plusieurs centaines de manifestants ont investi la représentation locale du ministère de la Culture, au cri de "Temer dégage!".
"J'ai une légitimité constitutionnelle", s'est défendu M. Temer dimanche, lors de sa première interview télévisée pour une émission de grande audience sur la première chaîne du pays, TV Globo.
"Constitutionnellement, si la présidente est écartée, celui qui assume le pouvoir c'est le vice-président", a déclaré M. Temer, un homme d'appareil peu connu des Brésiliens et aussi impopulaire que Mme Rousseff.
En signe de protestation, son intervention télévisée a été saluée par des concerts de casseroles dans plusieurs villes du pays, similaires à ceux organisés ces derniers mois à chaque intervention télévisée de Mme Rousseff.
"J'ai été élu avec madame la présidente, les votes qu'elle a recueillis, moi aussi je les ai recueillis (...). Mais je reconnais que je n'ai pas cette assise populaire, que je ne gagnerai que si, avec mon gouvernement, qui est légitime quoique intérimaire, je produis un effet bénéfique pour mon pays", a admis M. Temer.
Son gouvernement, au profil libéral et fortement conservateur, a convoqué à 15H00 (18h00 GMT) les dirigeants des centrales syndicales pour entamer des négociations sur la réforme du système déficitaire des retraites qu'il compte mettre en place, avec la fixation d'un âge minimum de départ à la retraite et un probable allongement du nombre d'années de cotisations.
- "Le monde féminin" -
La Confédérations unique des travailleurs (CUT), proche du PT, a décliné l'invitation en expliquant qu'elle ne "reconnaît pas des putschistes comme gouvernants". Et la conservatrice Força Sindical, qui a activement milité pour la destitution de Mme Rousseff, a jugé "inacceptables" les propositions du nouveau ministre de l'Economie, Henrique Meirelles.
Ces premiers couacs illustrent les énormes difficultés que va rencontrer le gouvernement Temer pour faire accepter un paquet de mesures d'austérité visant à réduire les déficits publics, alors que le géant émergent d'Amérique latine traverse sa pire récession depuis des décennies.
D'autant que la volonté affichée par Michel Temer de "pacifier" et "unifier" un pays déchiré par des mois de crise politique et le scandale de corruption Petrobras, a été mise à mal par la composition de son gouvernement peu représentatif de la diversité de la société brésilienne.
Le fait qu'il soit exclusivement composé d'hommes blancs et que sept de ses 24 ministres fassent l'objet d'enquêtes judiciaires pour corruption a suscité de nombreuses critiques.
M. Temer a promis dimanche d'y remédier, avec une certaine maladresse en promettant de nommer à des postes de secrétaires d'Etat des "représentantes du monde féminin". Quant aux noirs et métis qui représentant plus de la moitié des 204 millions de Brésiliens, il n'en a même pas été question.

Par Alice Hackman - © 2016 AFP
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