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"Ras-le-bol", "colère": des Niçois qui se recueillent mais se sentent "révoltés"

  • Publié le 16 juillet 2016 à 19:00

Nicole Autard, une Niçoise en larmes venue samedi se recueillir sur le mémorial improvisé à la Promenade des Anglais, exprime sa "peur, son ras-le-bol", mais aussi sa "colère", à l'instar de nombreux autres habitants, 36 heures après l'attentat revendiqué par l'organisation Etat islamique.


A la mi-journée sur la Promenade, près des fleurs, des bougies, des messages de condoléances et de soutien, Nicole Autard est venue montrer "sa peine, de toutes les façons possibles". Accompagnée de son mari - ils partagent leur temps de retraités entre le Var et Nice, leur "ville de coeur" -, cette femme mince aux cheveux courts ne peut retenir ses larmes.
"Pour l'instant, on est juste dans la peur, le ras-le-bol et la colère", explique-t-elle, encore estomaquée du mode opératoire du tueur, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, qui a envoyé un camion de 19 tonnes sur la foule, tuant 84 personnes dont dix enfants et blessant plus de 200 autres. "C'est imparable", souffle-t-elle, disant se sentir "à la merci" de ces actes difficiles à anticiper.
Bien qu'elle n'ait perdu personne dans l'attentat, elle ne peut s'empêcher de ruminer une pensée: "Je suis grand-mère, j'ai un petit-fils de dix ans", explique-t-elle. "S'il avait été avec nous, bien sûr, on l'aurait emmené voir le feu d'artifice", frémit-elle. "On habite Boulevard Grosso, on aurait été juste au mauvais endroit".
Face à ce nouveau drame, qui suit ceux de janvier et novembre 2015, elle dit ressentir "une colère", sans savoir "contre qui la diriger".
La colère est également très visible dans les messages déposés au début de la promenade. Parmi les bougies et les condoléances, on peut lire des "Assez de discours !", "Marre des carnages dans nos rues ! ", "Arrêtons le massacre ! "
- "révoltée" -
Danièle Rousseille, elle aussi, se dit "révoltée". "On veut que ça s'arrête", explique cette retraitée, approuvée par ses deux amies ainsi qu'un autre homme, qui se joint à la conversation. Bien sûr, elle "veut rendre hommage aux victimes". "Ils ont touché notre symbole, notre promenade, où on a appris à marcher, à faire du vélo", s'indigne-t-elle.
Mais elle se pose des questions. L'attaque était-elle évitable ? "Difficile à dire. C'est impensable qu'on puisse circuler sur la promenade" à ce moment-là, juge-t-elle.
Un questionnement partagée par Christian Estrosi, qui a mis en cause dimanche l'Etat et le dispositif de sécurité lors du feu d'artifice. "Comment, dans une zone piétonisée, a-t-on pu laisser entrer un camion à 90 km/h ?", s'est-il interrogé dimanche. La préfecture a expliqué que le camion était monté sur le trottoir en bordure de mer, très large à cet endroit, pour éviter le barrage.
Pour Danièle Rousseille, en tout cas, la situation a un air de déjà-vu, même si "c'était bien pire à l'époque" : cette native d'Algérie avait dû tout quitter à 16 ans au moment de la guerre.
Elle craint qu'"on arrive à une guerre civile" et attribue clairement la responsabilité "aux fanatiques", à "toutes ces religions" qui "nous disent comment on doit s'habiller" sans nommer clairement l'islam.
Elle s'indigne ensuite pèle-mêle de l'ouverture récente d'une mosquée - contestée par la municipalité (LR) de Christian Estrosi, mais ouverte après une décision de justice -, des "assassins qu'on protège, alors que la victime, elle, est condamnée", ou des autorités de l'Etat - qui "viennent vous consoler" mais "ne font rien".
"On accueille tout le monde !", renchérit Pierrette, l'une de ses amies, visant elle clairement l'immigration, dans une ville où la candidate du Front national Marion Maréchal-le Pen a obtenu 36,09% des voix au second tour des régionales en décembre 2015.
"On a dépassé le stade où qui que ce soit peut arrêter ce qui se passe", se désespère de son côté Nicole Autard, se refusant à mettre en cause qui que ce soit.

Par Marie-Pierre FEREY - © 2016 AFP
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