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Nice: une policière municipale dit avoir reçu des pressions de l'Intérieur

  • Publié le 24 juillet 2016 à 14:21

La policière municipale en charge de la vidéosurveillance le soir de l'attentat de Nice affirme avoir reçu des pressions du ministère de l'Intérieur pour modifier son rapport sur le dispositif policier le 14 juillet, dans un entretien au Journal du dimanche.


"Le lendemain des attentats, le cabinet du ministre de l'Intérieur a envoyé un commissaire au CSU (centre de supervision urbain) qui m'a mise en ligne avec la Place Beauvau", raconte Sandra Bertin, chef du CSU, en pleine polémique entre la municipalité Les Républicains de Christian Estrosi (1er adjoint et président de la métropole) et le gouvernement sur le dispositif de sécurité le soir de l'attentat qui a fait 84 morts.
Dans une déclaration à l'AFP, le procureur de la République de Paris, François Molins, a affirmé que c'est sous sa "seule autorité et pour les besoins de l'enquête en cours que le 15 juillet, deux brigadiers chefs ont été envoyés au CSU de Nice".
"Jusqu'à l'ouverture de l'information judiciaire" jeudi, "l'enquête a été conduite exclusivement par le parquet", a-t-il ajouté.
La chef du CSU dit avoir "eu affaire à une personne pressée qui m'a demandé un compte-rendu signalant des points de présence de la police municipale, les barrières, et de bien préciser que l'on voyait aussi la police nationale sur deux points dans le dispositif de sécurité".
Sandra Bertin est également secrétaire générale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale (SAFPT) de Nice et cosignataire d'une lettre ouverte à Manuel Valls déplorant le manque de considération de la police municipale par le gouvernement.
"Je lui ai répondu que je n'écrirais que ce que j'avais vu. Or la police nationale était peut-être là, mais elle ne m'est pas apparue sur les vidéos. Cette personne m'a alors demandé d'envoyer par e-mail une version modifiable du rapport, pour +ne pas tout retaper+. J'ai été harcelée pendant une heure, on m'a ordonné de taper des positions spécifiques de la police nationale que je n'ai pas vues à l'écran. A tel point que j'ai dû physiquement renvoyer du CSU l'émissaire du ministère!", poursuit Mme Bertin.
"J'ai finalement envoyé par e-mail une version PDF non modifiable et une autre modifiable. Puis, quelques jours plus tard, la sous-direction antiterroriste m'a demandé d'effacer les bandes des six caméras que j'ai mentionnées dans mon rapport, celles qui ont filmé la tuerie. On nous a demandé, pour les besoins de l'enquête, d'extraire huit jours de bande sur 180 caméras. Et maintenant il faudrait en effacer certaines pour empêcher leur diffusion au public", ajoute-t-elle.
"C'est sous la seule autorité du parquet que les enquêteurs se sont rendus à plusieurs reprises au CSU pour exploiter les vidéos, le but étant de visionner le cheminement du camion", a affirmé François Molins. "Ses actes n'ont d'autre but que de parvenir à la manifestation de la vérité dans le cadre d'une enquête judiciaire", a-t-il assuré.
La chef du CSU défend par ailleurs son service, alors que le camion de 19 tonnes a été aperçu les jours précédant l'attentat sur la Promenade des Anglais pourtant interdite depuis septembre 2014 aux véhicules de plus de 3,5 tonnes.
"Si nous l'avions vu sur la Promenade via nos caméras, nous aurions relevé l'infraction puis nous l'aurions relayée au parquet, qui aurait décidé de poursuivre ou non. Mais ça ne l'aurait pas empêché de revenir", plaide Mme Bertin, "tous les jours, ce type de poids lourds vient livrer les hôtels, approvisionner les plages".

Par Marie-Pierre FEREY - © 2016 AFP
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