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Bosnie: les Serbes votent pour avoir leur propre "fête nationale"

  • Publié le 25 septembre 2016 à 11:16

Les Serbes de Bosnie veulent garder leur propre "fête nationale" et entendent le confirmer dimanche par référendum malgré l'émoi des musulmans bosniaques, l'opposition de la communauté internationale et le coup porté aux institutions du pays.


Encouragé par Moscou, le turbulent leader politique des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik demande aux 1,2 millions d'électeurs de confirmer qu'ils veulent commémorer chaque 9 janvier la naissance de la "République du peuple serbe", trois mois avant la guerre qui avait fait 100.000 morts (1992-95).
La participation s'annonce importante: l'opposition à Dodik chez les Serbes de Bosnie, a également appelé à se rendre aux urnes.
"Je suis venu voter parce que chaque nation et chaque Etat a sa propre fête nationale. Ainsi, notre peuple serbe doit avoir sa fête", a affirmé Vojo Vujakovic, 60 ans, venu voter dès l'ouverture des bureaux de vote, à 05H00 GMT, à Laktasi, le village de Milorad Dodik, près de Banja Luka, la capitale des Serbes de Bosnie.
Un sentiment qui illustre la fragilité de la Bosnie née des accords de Dayton qui ont mis fin à la guerre et dont la cohésion ne tient depuis que par la volonté de la communauté internationale: une fédération entre deux entités, une croato-musulmane et une serbe, réunies par des institutions de moins en moins respectées.
L'autorité de l'une d'elles, la Cour constitutionnelle est ouvertement bafouée dimanche puisque qu'elle avait interdit ce référendum, tout comme la célébration du 9 janvier.
Mais comme Vojo Vujakovic, de nombreux Serbes de Bosnie se reconnaissent comme appartenant au peuple serbe ou comme membres de la "Republika Srpska", pas comme citoyens de la Bosnie.
- Vers un référendum d'indépendance ? -
Le scrutin de dimanche est-il, comme le soupçonne le patron des bosniaques musulmans, Bakir Izetbegovic, un "ballon d'essai" pour Milorad Dodik et un premier pas vers une sécession?
Son parti prévoit un référendum d'indépendance en 2018. Et Milorad Dodik, parti à Moscou rencontrer Vladimir Poutine trois jours avant le scrutin, accuse régulièrement les Bosniaques et les autorités de Sarajevo de vouloir la fin de la "Republika Srpska".
"Dodik tirera certainement profit de cette situation et en sortira renforcé", déclare à l'AFP, sous couvert d'anonymat, un proche de son parti (SNSD). "Mais il faut admettre aussi qu'il a été très bien servi par Bakir Izetbegovic", le patron des Bosniaques musulmans, ironise cette source.
C'est en effet Bakir Izetbegovic, qui avait contesté la légalité de cette fête auprès de la Cour constitutionnelle, provoquant la colère des Serbes de Bosnie.
"S'ils pouvaient, ils nous interdiraient tout", dit avant de voter Radovan Bajic, 67 ans. Mais "nous devons aussi avoir nos fêtes. Si la Republika Srpska a été créée ce jour-là, on ne peut pas changer ça et dire que c'était le 1er décembre".
La date du 9 janvier est sensible: parmi les fondateurs de la "République du peuple serbe", figure Radovan Karadzic, théoricien de l'épuration ethnique, condamné à 40 ans de prison pour génocide et crimes contre l'humanité.
Dimanche soir, après la clôture du scrutin et la probable victoire du oui, Milorad Dodik, omniprésent sur les affiches placardées dans toute la "Republika Srpska", a prévu d'aller tenir meeting à Pale, l'ancien fief de Karadzic.
- Préoccupations électoralistes -
L'Europe peut-elle arrêter ce délitement de la Bosnie? L'Union européenne a relancé en 2015 le processus de rapprochement, longtemps bloqué, ce qui a permis à Sarajevo de demander cette année officiellement le statut de candidat à l'adhésion.
Dimanche, aucun responsable bosniaque n'avait réagi pour de nouveau condamner ce scrutin, accueilli avec réserve par le Premier ministre de Serbie, Aleksandar Vucic.
Pour beaucoup, la détermination de Milorad Dodik, qui avait reculé dans des circonstances équivalentes par le passé, trahit aussi des préoccupations électoralistes de court terme: contesté politiquement, le patron de la Republika Srpska a en tête les municipales de la semaine prochaine. Une fois passées, la tension pourrait aussi retomber.

- © 2016 AFP
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