Etats-Unis

Trump, un cadeau un peu empoisonné pour les caricaturistes

  • Publié le 15 décembre 2016 à 13:03

Dessinateurs de presse, acteurs, imitateurs, humoristes: ils sont des dizaines à croquer avec appétit Donald Trump, sujet rêvé des caricaturistes, mais beaucoup cherchent encore la bonne distance face à un futur président américain très clivant.

Le teint orangé, les jugements lapidaires, les adjectifs emphatiques, la gestuelle et la coiffure improbable: tout ou presque, chez Donald Trump, prête à la caricature. Aux États-Unis, les très populaires animateurs de télévision Jimmy Fallon et Jon Stewart, les acteurs Bryan Cranston, Johnny Depp et Dana Carvey s'y sont tous essayé ces derniers mois.
Avant qu'Alec Baldwin ne rafle la mise dans l'émission satirique Saturday Night Live, avec force pincements de lèvres et plissements de paupières.

Le président élu lui-même a commenté la prestation sur Twitter, jugeant qu'elle ne pouvait "pas être pire".
"Il a abordé la chose au bulldozer", observe John Di Domenico, qui imite M. Trump depuis plus de douze ans, au sujet d'Alec Baldwin, pourtant un "acteur extraordinaire".

Difficile il est vrai de trouver de la subtilité dans les interprétations à grands traits d'un personnage public en perpétuelle représentation. Au fil des années, "j'ai rencontré énormément de gens qui le connaissent et qui me disent qu'il n'est pas comme ça en privé", dit M. Di Domenico, dont l'agenda est désormais entièrement dévolu à Donald Trump.

- "Presque trop facile" -

Complexe, également, de trouver le ton juste face à un personnage qui divise tant les Américains. A trop jouer sur l'apparence et la forme, il est ridiculisé, ce dont il s'offusque, mais il en devient aussi, souvent, un personnage sympathique. L'imitateur de profession se pose désormais la question de représenter un Donald Trump président. "Je dois trouver un moyen d'aborder les sujets plus sensibles", dit John Di Domenico.

 Il souhaite "conserver une longueur d'avance sur lui, ne pas le suivre, imaginer les choses les plus dingues qu'il pourrait faire".
Alors que les médias américains se sont lancés dans une grande introspection depuis l'élection, les dessinateurs de presse, des deux côtés de l'Atlantique, cherchent eux aussi un équilibre pour représenter ce personnage "bigger than life", "macho" patenté, juré de téléréalité et bientôt président des États-Unis. "C'est presque trop facile", pointe le célèbre caricaturiste français Plantu, dont les dessins paraissent chaque jour en une du quotidien Le Monde. Et d'avertir: "Ce qui est bon pour les caricaturistes n'est jamais bon pour la démocratie".

- "Être plus précis" -

"Il est temps d'être plus précis et de le critiquer plus directement, pas seulement de se moquer de son teint orange et de sa personnalité", glisse Marc Rosenthal, qui collabore au prestigieux magazine "New Yorker" et a illustré pendant la campagne un livre satirique pour enfants ("A Child's First Book of Trump" - Mon premier livre sur Trump).

Le très populaire animateur de télévision Jimmy Fallon reçoit Hillary Clinton dans son show télévisé "The Tonight Show Starring Jimmy Fallon" sur NBC à New York, le 16 septembre 2016L'illustrateur, qui n'est pas caricaturiste de métier, dessine Trump sous la forme d'une pomme de terre, à la peau orange vif. Il ne voulait pas approcher de trop près le personnage sur le plan physique. Une démarche qu'il entend conserver pour illustrer un second livre, à paraître en 2017.

Kevin Kallaugher, qui a représenté le magnat de l'immobilier en animal menaçant dans The Economist et le quotidien Baltimore Sun, juge aujourd'hui ces dessins trop "simplistes". "On ne convainc pas en représentant une personne de manière horrible. On persuade par l'humour", insiste-t-il, disant vouloir notamment s'adresser à cette frange d'électeurs "qui ont voté pour quelqu'un qu'ils n'aimaient pas".

"Le dessin va s'affiner en fonction de son travail de président", estime pour sa part Kroll, du quotidien belge Le Soir.
"Au début, il suffisait de dessiner un Noir pour représenter Barack Obama et puis, après, il est devenu cet homme élégant avec de grandes oreilles. Lors de sa réélection, on a commencé à le dessiner moins noir". "Pour l'instant, tout le monde dessine Trump un peu pareil, mais bientôt chacun aura le sien".

Par Jordane BERTRAND - © 2016 AFP

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