Conseil Constitutionnel

Etat d'urgence : les Sages face aux assignations à résidence de longue durée

  • Publié le 7 mars 2017 à 16:27

Peut-on prolonger indéfiniment une assignation à résidence sans violer les droits fondamentaux? C'est ce débat qui s'est tenu mardi devant le Conseil constitutionnel, autour du cas particulier d'un ex jihadiste assigné à résidence depuis novembre 2015.


Les Sages rendront le 16 mars "en fin de journée" leur décision sur la Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par Sofyian Ifren et son avocat Bruno Vinay, épaulés à l'audience par Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme.
Me Vinay et Me Spinosi ont reproché aux parlementaires de n'avoir pas mis de garde-fou à la durée des assignations à résidence, en votant la loi du 19 décembre 2016 prolongeant l'état d'urgence, en vigueur en France depuis les attaques jihadistes de novembre 2015.
Soulignant l' "extraordinaire sévérité" de cette mesure administrative, Me Vinay a rappelé que son client avait "pointé à 1.416 reprises en quinze mois", et dénoncé une mesure assimilable à une "lettre de cachet".


Une vingtaine de personnes sont assignées à résidence en France depuis le début de l'état d'urgence, en novembre 2015.
Une assignation à résidence ne peut être prolongée au-delà de douze mois, et pour une durée de trois mois à chaque fois, qu'avec l'autorisation préalable du "juge des référés", magistrat statuant en urgence, du Conseil d'Etat.
Or c'est devant la même formation de la plus haute juridiction administrative que cette prolongation peut être contestée.
Pour Me Spinosi, il s'agit là d'un "conflit d'intérêts" privant les assignés à résidence d'un droit fondamental: celui à un recours juridictionnel effectif.
Condamné en 2014 pour sa participation à une filière jihadiste, Sofyian Ifren, crâne rasé et ombre de barbe au menton, a rappelé à la sortie de l'audience qu'en cas de censure constitutionnelle, loin de retrouver sa liberté de mouvement, il irait certainement ... en prison.


Sous bracelet électronique avant d'être assigné à résidence, le jeune homme, sans profession, ne se fait guère d'illusions sur la possibilité de retrouver ce régime d'aménagement de peine.
"Je ne peux pas travailler" en raison du pointage obligatoire trois fois par jour, souligne Sofyian Ifren, qui passe le temps en faisant "du sport, de la lecture".
Accusé d'avoir monté en 2012 un groupe destiné à favoriser l'acheminement de combattants jihadistes vers le Mali, il a été condamné à cinq ans de prison dont deux avec sursis et mise à l'épreuve.
Le Conseil d'Etat n'avait pas voulu lever l'assignation à résidence "eu égard aux liens encore récents de l'intéressé avec des personnes impliquées dans l'islamisme radical et le terrorisme".

Par Tony GAMAL-GABRIEL - © 2017 AFP

guest
0 Commentaires