Afghanistan

Kaboul - Complicités internes dans l'hôpital attaqué

  • Publié le 12 mars 2017 à 19:19

Les récits des rescapés confirment des complicités internes, notamment médicales, dans l'attaque de l'hôpital militaire pourtant hautement sécurisé mercredi à Kaboul: un sérieux revers pour les services de sécurité et de renseignements afghans.

Par ailleurs, plusieurs témoignages recueillis par l'AFP infirment, malgré sa revendication, la responsabilité du groupe Etat islamique (EI) dans ce massacre qui a fait plus de 100 morts selon de multiples sources: "Les assaillants chantaient "Allah Akhbar! Vive les talibans+", ont rapporté des médecins.

Dès le début de l'attaque, à un jet de pierre de l'ambassade américaine, les autorités et témoins ont signalé des assaillants en blouse blanche. Et dimanche soir le ministère de la Défense a reconnu que l'opération, minutieusement préparée, "avait forcément nécessité des complicités internes".

Notamment celle de "deux internes en médecine venus de Jalalabad", l'une des villes les plus troublées du pays, bastion d'insurgés dans l'Est, a indiqué un responsable de l'hôpital à l'AFP qui a suivi la progression des forces spéciales pour secourir les victimes et a reconnu les corps abîmés des deux hommes.
Comme les autres témoins travaillant dans cet établissement, il a requis l'anonymat en sa qualité de militaire.

"Les deux internes, âgés de 25 ou 26 ans, étaient arrivés il y a quatre mois à l'hôpital, recommandés par la faculté de médecine de Jalalabad. On les connaissait tous" a-t-il rapporté. "L'un a déclenché sa charge explosive au deuxième étage, l'autre a été abattu par les forces spéciales".

Un autre rescapé, blessé, se remet mal de ce qu'il a vu: "Il m'était familier, un de mes étudiants... Ca m'a fait mal de le voir tirer sur tout le monde" a-t-il confié à l'AFP. L'implication des deux internes a été corroborée par une source sécuritaire.

- "Ils savaient qui chercher" -

Le bilan officiel de l'attaque qui a duré six heures contre cet établissement de 400 lits restait dimanche de 31 morts et 44 blessés. Mais les survivants interrogés par l'AFP et des sources au sein des services de sécurité évoquent "plus de cent" tués - au couteau, à la grenade et au fusil d'assaut.
Le responsable assure avoir "personnellement dénombré 53 corps".

Un premier kamikaze avait lancé l'attaque peu après 9h00 en déclenchant sa charge à l'entrée. Un médecin a montré à l'AFP la photo sur son téléphone portable: des jambes calcinées, sectionnées sous le bassin. Dans les étages, commençait un massacre méthodique.

"Les patients immobilisés sur leur lit ont été tués au poignard ou à la baïllonnette. Ceux qui pouvaient bouger, exécutés d'une balle dans la tête ou entre les yeux", raconte l'homme retourné dimanche sur place. "Quand il y avait trop de patients dans une pièce, ils jetaient une grenade". Son collègue a visionné des images des caméras de surveillance pendant son audition au ministère de la Défense: "Une femme poussait un patient en fauteuil roulant. Elle a été abattue. Puis le tireur et le patient se sont serrés la main".

Pour tous ces témoins, le nombre d'assaillants était forcément supérieur aux cinq concédés officiellement. Surtout, affirment-ils: "Ils connaissaient parfaitement l'hôpital" et "vraisemblablement ont trouvé leurs armes sur place, à chaque étage" d'où les tirs ont éclaté simultanément. "Les trois premiers sont entrés par une porte arrière d'ordinaire fermée, qui était justement ouverte" assure un des médecins.

"Ils savaient où aller et qui chercher", certifie un des soignants. "Une des ailes est réservée aux VIP, ils s'y sont dirigés directement pour demander, par leur nom, le neveu d'un ancien ministre de la Défense et un général de brigade, actuellement hospitalisés".

En revanche, le commando a soigneusement évité les deux salles dans lesquelles sont soignés des combattants talibans au premier étage: "Ils ont tué les médecins sans toucher aux patients. Alors qu'ils ont attaqué pratiquement toutes les salles jusqu'au 7è étage".

Ceci signe, selon eux, la responsabilité des talibans. "Ils parlaient tous pachtoun (l'une des deux langues officielles, surtout usitée dans l'est et le sud). Sauf un, qui s'exprimait en pandjabi", la langue du Pakistan, voisin honni.

AFP

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