Près de 700 réfugiés ont obtenu un visa humanitaire d'un an

"Pronto!" Des Syriens partent sans risque vers une nouvelle vie en Italie

  • Publié le 19 mars 2017 à 14:26

Peu avant minuit, dans un quartier de Beyrouth, de petits groupes de réfugiés syriens avec leurs valises tiennent en main leur aller simple pour l'Italie.


"Torino! Pronto! Cappuccino!", ils lancent les quelques mots d'italien qu'ils connaissent dans la cour d'une école du quartier de Getaoui, en attendant de monter dans les bus qui les mèneront à l'aéroport puis... vers leur nouvelle vie en Italie.
Grâce à une initiative lancée l'an dernier par le gouvernement italien, près de 700 réfugiés syriens ont obtenu un visa humanitaire d'un an pendant lequel ils entameront les démarches pour obtenir un droit d'asile permanent en Italie.
Ce programme est inédit en Europe: il s'agit d'une troisième voie qui évite le pénible processus de réinstallation mené par les Nations unies et fournit une alternative sûre aux canots pneumatiques pleins à craquer pour gagner l'Europe.
"Turin est la ville dont je rêvais", assure Mohammad, 24 ans, qui se rend avec sa femme enceinte dans la capitale du Piémont après avoir passé cinq ans dans le sud du Liban.
Il a consulté des photos sur Google et trouve que Turin est un "beau" centre industriel où il espère trouver du travail.
"Ce voyage est un bond dans le futur. Je vais pouvoir reconstruire ma vie", se réjouit-il en passant des coups de fil pour calmer l'anxiété de ses proches.


- 'Sûr et légal' -


Pour Soha, 34 ans, et son bambin Angelo, l'Italie permettra de surmonter le traumatisme de six ans de guerre.
"Il y a quatre ans, une roquette a tué mes deux fils, Antoine et Michael. Quand je suis tombée enceinte, j'ai décidé de prendre deux lettres de leurs noms, c'est pour cela que j'ai appelé mon fils Angelo," explique-t-elle en disant vouloir "tout faire" pour lui.
Un autre sélectionné, Michel, est arrivé clandestinement au Liban cette année après avoir été blessé par balles à la poitrine et à l'épaule en Syrie.
"Je vais à Rome. J'espère avoir une nouvelle vie loin, loin de celle que j'ai connue", assure-t-il.
Michel est soulagé de rejoindre directement l'Italie "sans avoir à se faufiler clandestinement et être de nouveau humilié".
Des centaines de milliers de personnes sont arrivées dans des conditions dramatiques sur les rives de l'Europe mais 4.500 ont perdu leur vie en tentant leur chance.
Le Liban, qui compte 4,5 millions d'habitants, accueille à lui seul un million de réfugiés syriens.
Pour les membres de Mediterranean Hope, une équipe de quatre personnes coordonnant au Liban la réinstallation vers l'Italie, les "corridors humanitaires" qu'ils ont créés sont la solution.
Ils interrogent les réfugiés avant d'en recommander à l'ambassade d'Italie qui leur délivre un visa d'un an, pour mener des démarches en vue du droit d'asile.
"C'est sûr pour eux et légal pour nous", argue une des membres de Mediterranean Hope, Sara Manisera.
"Ceux qui optent pour le voyage de la mort en traversant la Méditerranée sont placés dans des centres de rétention durant des mois. Avec notre programme, pas besoin de tels centres, cela coûte moins et les réfugiés préservent leur dignité", dit-elle à l'AFP.
L'initiative est co-organisée par la communauté catholique italienne de Sant'Egidio, la fédération des églises évangéliques et l'église évangélique vaudoise.


- 'Traverser la vie' -


Mediterranean Hope voudrait que les gens cessent de regarder les réfugiés sous le seul angle de la sécurité.
Un juge fédéral de Hawaï a ordonné mercredi la suspension temporaire de la nouvelle mouture du décret migratoire de Donald Trump, interdisant durant 120 jours le territoire américain aux réfugiés.
Le Parlement hongrois a voté mardi le rétablissement de la détention systématique de tous les demandeurs d'asile.
"Bien sûr, nous pouvons continuer à ériger des murs, comme le font la Hongrie ou les Etats-Unis, mais le coût sera très élevé", ajoute-t-elle.
A l'aéroport de Beyrouth, Mohammad Khalaf a du mal à croire que dans quelques heures sa vie va changer.
"C'est indescriptible. J'essayais de fuir à tout prix un pays et brusquement je vais dans un autre", explique ce jeune homme de 21 ans, originaire de Damas, qui a passé des semaines dans deux des pires prisons de Syrie.
Pour tromper son impatience, il récite quelques vers en arabe qu'il a composés.
"Je quitte la guerre. Je pars car mon histoire ne s'arrête pas à quelque chose de triste. Je vais traverser la vie, en ouvrant ses portes avec ma poésie et mes rêves".

Par Maya GEBEILY - © 2017 AFP

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