7ème art

En Inde, dernière séance au Regal, l'un des plus vieux cinémas

  • Publié le 30 mars 2017 à 14:17

À New Delhi, le Regal est plus qu'un cinéma: c'est une institution. Mais après des décennies de déclin, la salle, l'une des plus anciennes d'Inde, met la clé sous la porte, victime de la concurrence des multiplexes climatisés.

Avec sa façade blanche rendue grisâtre par la pollution et les précipitations, le Regal est l'un des repères les plus célèbres de Connaught Place, gigantesque place en cercles concentriques construite par les Britanniques, au coeur de la capitale indienne.
Mais à l'intérieur, le cinéma dégage une atmosphère de grandeur passée. La vétusté de ses locaux, son unique écran, ses ventilateurs bruyants et poussiéreux, ses chaises en fer des catégories les moins chères, font que le public l'a déserté.

Après près de 85 ans d'existence, le cinéma éteindra définitivement les lumières après la projection jeudi soir de deux classiques de l'âge d'or de Raj Kapoor, mythique acteur et réalisateur bollywoodien du XXe siècle. Quand la salle a ouvert ses portes au début des années 1930, l'Inde était encore une colonie britannique, le mouvement pour l'indépendance en pleine montée.

Au cours de son existence, le Regal a vu passer les plus grands du sous-continent: le dernier vice-roi britannique des Indes Louis Mountbatten, les Premiers ministres Jawaharlal Nehru et Indira Gandhi, la légende de Bollywood Amitbah Bachchan.

Or aujourd'hui, les consommateurs de la classe moyenne de New Delhi lui préfèrent les cinémas géants aux confortables sièges et aux climatisations glaciales des centres commerciaux qui ont récemment poussé comme des champignons dans la capitale indienne.
"Auparavant, peu importe le film projeté, le cinéma était toujours plein. Il y avait de longues queues jusqu'au coin de la rue", se remémore Ravi Shukla, qui travaille à la cantine du Regal depuis 36 ans.

- Adieux -

Même amertume pour Ramesh Kumar. L'homme a 44 ans de bons et loyaux services comme projectionniste, dont 23 au Regal. Son outil de travail: un monumental projecteur à bobine datant des années 1960 sur lequel est peinte la croix hindoue du swastika.
Ramesh regrette la fermeture du cinéma, l'un des derniers offrant des prix abordables pour les bourses modestes, et met sa fermeture sur le compte du manque d'entretien des lieux.

"Personne n'y a fait assez attention. Si quelqu'un en avait pris soin, nous ne serions pas dans la situation où nous nous trouvons aujourd'hui", déplore-t-il.

Le coup fatal a été porté au Regal lorsque les toits de plusieurs bâtiments de Connaught Place se sont effondrés, mettant en lumière le délabrement de ces lieux historiques.

La municipalité a depuis sévi contre les édifices ne respectant pas les normes de sécurité. Pour le Regal, les travaux pour se mettre en règle étaient trop longs et coûteux.

S'ils ne peuvent pas toucher à la façade, classée au patrimoine historique, les propriétaires des lieux espèrent un jour ressusciter le Regal sous la forme d'un multiplexe avec tout le confort moderne.

En attendant, fans et curieux viennent rendre un dernier hommage à la vieille dame. Des adolescents viennent s'y prendre en selfie, des couples y amènent leurs enfants.

"Les gens affluent en plus grand nombre que ces dernières années, surtout des personnes âgées qui ont des souvenirs liés à ces murs", explique Roop Ghai, le directeur du Regal. La fermeture de ce cinéma, "c'est comme se séparer d'un membre de sa famille", souffle-t-il.
AFP

guest
0 Commentaires