Europe

Pologne: des sans-abris veulent mettre les voiles

  • Publié le 3 avril 2017 à 11:49

Ils n'ont pas d'argent mais, grâce à des sponsors, les pensionnaires d'un centre d'hébergement pour sans-abris près de Varsovie construisent un voilier qu'ils espèrent finir dans un an ou deux pour prendre le large. La coque du voilier, presque terminée, gît au milieu d'une cour du centre des pères Camilliens. La goélette fera 17,8 mètres (57 pieds de long) sur 5,2 mètres.

"Avec le mât de beaupré, elle fait 63 pieds de long", souligne le capitaine Waldemar Rzeznicki, qui gère le projet réalisé avec des pensionnaires du centre.
C'est un prototype du model "BM57" offert par le constructeur Bogdan Malolepszy, précise le capitaine. "Comme tout le matériel: le bois pour les mâts, la tôle ou les 8 tonnes de plomb pour la quille nous ont été offerts par des sponsors".

Ceux qui le souhaitent viennent contribuer à sa construction. Ce lundi, seuls deux pensionnaires du centre qui abrite une centaine d'hommes travaillent. Après dix ans de labeur, l'enthousiasme n'est plus toujours au rendez-vous. "Normalement, je travaille de 7 heures à 15 heures, plus s'il le faut. Là, on profite du beau temps pour rattraper le retard accumulé en hiver", dit Slawomir Michalski, 60 ans, qui vit au centre depuis 2009, avec quelques interruptions. "En construisant ce bateau, c'est comme si je construisais ma propre maison", explique ce soudeur, ancien ouvrier des Chantiers navals de Gdansk.

"Moi, je travaillais en cale, et (Lech) Walesa, devenu par la suite président de la Pologne, réparait les chariots électriques", se rappelle-t-il tout en soudant des éléments de la porte de descente. "On a travaillé ensemble, on a fait grève ensemble à l'époque (du syndicat) Solidarité, puis je suis parti. J'ai tout lâché et je me suis retrouvé dans ce centre pour des sans-abris", dit-il sans amertume.

- 'Grandes oeuvres' -


Michal Jedynak, un autre pensionnaire, lui apporte les marches de ce qui sera le futur escalier de la cabine. Douze personnes pourront y dormir.
L'objectif est de faire le tour du monde. Slawomir espère être parmi les chanceux qui vont partir les premiers. "Si seulement ma santé me le permet", dit-il. "Beaucoup de gens se frappaient le front, toc-toc, disant que cette idée était complètement idiote", se rappelle-t-il.

"Mais ils ont vu le voilier grandir d'une année à l'autre, alors ils ont changé leur manière de penser. Et ont vu qu'en effet c'est une très belle idée", dit-il.
C'est un Camillien, le père Boguslaw, qui, en 2006 l'avait lancée. "On réalise son testament", dit Michalski, en évoquant son décès en 2009. "On le lui a promis sur sa tombe". En mémoire au Camillien, le voilier s'appellera "Ojciec Boguslaw" (père Boguslaw).

"La construction en elle-même nous rend plus solides, nous tous, les sans-abris, et nous les volontaires", souligne le capitaine. Et surtout le travail les "fait revenir à la vie". "Car le travail c'est du bonheur - en tout cas, ça peut être du bonheur..."

"Si ces gens ont la force de réaliser le projet, il faut les admirer et les soutenir. S'ils sont motivés, ils sont capables de grandes oeuvres", renchérit Tadeusz Wojtowicz, patron de Sail Service, une entreprise de Gdansk spécialisée dans la couture des voiles et qui pourrait les fournir.

"Il en faut sept principales et trois annexes, soit quelque 170 mètres carrés au total. Mais les voiles ne représentent pas le coût le plus important du projet", souligne le capitaine: "les peintures spéciales pour bateaux, c'est ce qui a été le plus cher". Un fabricant les a fournies pour un zloty symbolique. "Les deux mâts, nous les avons faits nous-mêmes, tout comme les haubans, les étais", ajoute-t-il. "Du travail, il en reste!", reconnaît-il. Aux badauds moqueurs, "on dit: +Revenez nous voir dans un an. Quand on va prendre le large+".


AFP

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