Amérique du sud

Venezuela: un mort lors d'une manifestation massive de l'opposition

  • Publié le 19 avril 2017 à 23:20

Un manifestant a été tué par balles mercredi à Caracas tandis que des affrontements ont éclaté entre la police vénézuélienne et des milliers d'opposants qui protestaient contre le président socialiste Nicolas Maduro.

C'est le sixième manifestant tué en trois semaines au Venezuela, où l'opposition, majoritaire au parlement depuis fin 2015, a engagé un bras de fer avec le chef de l'Etat dont elle demande le départ, dans un pays étranglé par une crise économique.

Le jeune homme de 17 ans est décédé de ses blessures après avoir été touché par des tirs d'un groupe d'inconnus à moto ayant aussi lancé des grenades de gaz lacrymogène sur des opposants qui manifestaient à San Bernardino, dans le nord-ouest de Caracas, a déclaré à l'AFP Amadeo Leiva, directeur de la clinique où il avait été transporté.

Dans un climat extrêmement tendu, les accès de la capitale étaient bloqués en début d'après-midi par un important déploiement policier et militaire, qui repoussaient, à l'aide de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, les manifestants, lesquels répliquaient avec des pierres et des cocktails molotov.

"Il faut sortir de cette dictature. Nous sommes fatigués, nous voulons des élections pour que Maduro s'en aille du pouvoir, car il a détruit le pays. Je n'ai pas peur !", confiait à l'AFP une manifestante, Ingrid Chacon, une secrétaire de 54 ans brandissant le drapeau jaune, bleu et rouge du Venezuela. L'opposition, dont c'est le sixième rassemblement depuis début avril, a promis qu'il s'agirait de "la mère de toutes les manifestations", pour exiger des élections anticipées et le respect du Parlement, la seule institution qu'elle contrôle.

- Drapeaux américains brûlés -

Dans la capitale et parfois à quelques mètres seulement de leurs adversaires, les chavistes (du nom du défunt président Hugo Chavez, 1999-2013) manifestaient en faveur du chef de l'Etat, certains brûlant des drapeaux américains en signe de colère. "Nous sommes fermement aux côtés de Maduro par loyauté à l'égard de notre commandant éternel", Hugo Chavez, a assuré à l'AFP Nancy Guzman, une enseignante de 50 ans.

Une vingtaine de stations de métro et de nombreux commerces de Caracas étaient fermés. Mardi soir, Nicolas Maduro a par ailleurs activé un plan de défense, avec force déploiement de policiers et militaires, pour "déjouer le coup d'Etat" fomenté selon lui par les Etats-Unis. L'opposition a immédiatement dénoncé une tentative d'"intimider" les manifestants.

Il réagissait à la pression internationale qui s'est accrue ces derniers jours : 11 pays latino-américains ont demandé à Caracas de "garantir" le droit de protester pacifiquement, tandis que Washington a mis en garde les fonctionnaires publics contre toute mesure de répression. "Le Venezuela livrera la bataille contre ce groupe minoritaire de gouvernements qui pensent promouvoir une intervention honteuse" sur son territoire, s'est exclamé mercredi la ministre des Affaires étrangères, Delcy Rodriguez.

- L'opposition 'unie' -

Le président du Parlement Julio Borges a appelé les forces armées à être "loyales" à la Constitution en laissant les opposants défiler pacifiquement. Une allusion à la "loyauté inconditionnelle" à Nicolas Maduro proclamée lundi par le chef des armées et ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez.

Seule voix discordante au sein du camp présidentiel, la procureure générale de la Nation, Luisa Ortega, a affirmé mercredi que "les responsables des organismes de sécurité de l'Etat doivent garantir l'exercice du droit à manifester de manière pacifique, en respectant strictement les droits de l'homme".

Cette vague d'actions de protestation a commencé le 1er avril après la décision de la Cour suprême, considérée comme proche de Maduro, de s'arroger les prérogatives du Parlement, déclenchant un tollé diplomatique qui l'a poussée à faire machine arrière 48 heures plus tard. L'opposition a dénoncé une tentative de coup d'Etat mais, paradoxalement, cet épisode lui a aussi donné un nouveau souffle, l'amenant à dépasser ses divisions intestines et a relancé la mobilisation populaire à ses côtés, qui s'était assoupie ces derniers mois.

"L'opposition est plus unie que jamais. Il est probable que la manifestation (de mercredi) sera la plus grande contre le chavisme. Mais nous ne pouvons pas prédire l'impact que cela aura" ensuite, explique l'analyste Luis Vicente Leon. "Cette manifestation mettra en évidence la force de mobilisation de l'opposition et les coûts que cela peut potentiellement générer pour le gouvernement s'il continue d'éviter des élections à court terme", estime aussi le politologue John Magdaleno. Toute échéance électorale est risquée pour Nicolas Maduro, dont sept Vénézuéliens sur dix souhaitent le départ.

AFP

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