[VIDÉO] Asie du Sud-Est

Le Laos communiste, plaque tournante du trafic de drogue

  • Publié le 9 mai 2017 à 16:02

Depuis l'arrestation spectaculaire d'un parrain de la drogue laotien à Bangkok en janvier, le Laos, petit pays communiste coincé entre la Chine et la Thaïlande, et plaque tournante du trafic de drogue en Asie du Sud-Est, sort de l'ombre.

Le régime autoritaire laotien se serait bien passé de la publicité faite par l'interpellation en plein aéroport de Bangkok, devant des touristes médusés et les caméras des télévisions thaïlandaises, du millionnaire Xaysana Keophimpa. Cet homme clef du trafic de drogues de synthèse en Asie du Sud-Est, surnommé "monsieur X" par les enquêteurs, vivait jusqu'ici en toute impunité au Laos, entre voitures de luxe et festivités.

 

 

En Thaïlande, où ce quadragénaire se rend fréquemment, il fréquente également les fêtes de la haute-société, ce qui vaut aujourd'hui à plusieurs célébrités d'être inquiétées pour possible blanchiment d'argent à son profit. Pays où règne corruption et opacité, le Laos est aussi une bonne base arrière pour les trafiquants de par sa position géographique, au coeur du fameux "Triangle d'Or": il est en effet facile d'accéder de là aux laboratoires clandestins de Birmanie voisine où est produite la méthamphétamine, ensuite écoulée sur les marchés voisins, en Thaïlande ou en Malaisie.

Si l'ambiguïté des autorités laotiennes sur ce dossier est flagrante, certains trafiquants bénéficiant de protections, l'arrestation de "Monsieur X" a marqué un tournant. Et plusieurs autres figures de ce trafic régional ont été arrêtées depuis, certains au Laos.
Parmi eux: Sisouk Daoheoung, célébrité laotienne de second plan connu pour son amour des belles fêtes, des voitures de luxe et des chevaux de course, qui a été arrêté en avril.

"Sur la base de l'analyse du téléphone et du compte Facebook de Xaysana, il est clair que Sisouk et lui sont amis... Leurs groupes (de trafiquants) sont connectés", a expliqué à l'AFP Supakit Srijantranon, haut-responsable de la police thaïlandaise.

- Addiction en hausse -

Les trafiquants laotiens ont misé sur le développement constant de l'addiction aux méthamphétamines en Asie du Sud-Est, des ouvriers malaisiens aux noceurs de Bangkok ayant besoin de recharger leurs batteries pour des raisons différentes. Les chiffres du Bureau de contrôle des narcotiques de Thaïlande leur donnent raison: rien qu'en Thaïlande, entre octobre 2016 et avril 2017, la Thaïlande a saisi 74 millions de pilules de "yaba", littéralement "drogue qui rend fou", surnom donné à ces cachets qui se vendent moins de sept euros.

Et sur une population de 67 millions, 1,3 million sont des consommateurs de drogue, selon les estimations du Bureau de contrôle des narcotiques. "Les drogues détruisent tout. Elles affectent notre pays, notre société, notre peuple", martèle son secrétaire général, Sirinya Sitdhichai, interrogé par l'AFP sur la politique coup de poing lancée contre les réseaux laotiens.
Le phénomène de consommation de "yaba" en Thaïlande est tel qu'une grande majorité des quelque 290.000 prisonniers de Thaïlande (un des taux d'incarcération les plus élevés au monde) y purgent de longues peines pour trafic de drogue, y compris pour les petits trafiquants.

Trois groupes de trafiquants liés au Laos sont dans le viseur des polices de la région, qui ont confisqué des dizaines de millions de dollars de biens, entre hôtels, voitures et même une écurie de chevaux de course au Laos, celle de Sisouk.

Restent dans la nature plusieurs hommes clefs de ce trafic, notamment Usman Salameang, un Thaïlandais qui se cachait au Laos selon les sources interrogées par l'AFP. "C'est le dernier gros bonnet que nous essayons d'arrêter", explique Sirinya.
Par le passé, le Laos communiste a plutôt eu tendance à nier le problème du trafic de drogue. Mais le nouveau Premier ministre, Thongloun Sisoulith, envoie des signaux de fermeté. L'an dernier, le Laos a annoncé avoir saisi au total un record de près de 21 millions de pilules de yaba.

Mais Jeremy Douglas, de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), souligne que si des têtes du trafic sont tombées, "le crime organisé derrière" reste intouché, soulevant la question d'un nettoyage en profondeur du système, qui pourrait remonter jusqu'à des responsables du régime ayant protégé les trafiquants pendant des années.

AFP

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