Il quitte le gouvernement

Bayrou, électron libre du centre à l'image d'intégrité ternie

  • Publié le 21 juin 2017 à 12:17

Figure historique du centre et ancien candidat à l'Elysée, François Bayrou, qui a annoncé mercredi son départ du gouvernement, s'est fait le chantre de la moralisation de la vie publique, une image d'intégrité ternie par l'affaire des assistants parlementaires européens du MoDem.

Cet inlassable militant d?un centre indépendant a annoncé mercredi à l'AFP qu'il avait "pris la décision de ne pas faire partie du prochain gouvernement", en pleine enquête sur le MoDem, après avoir défendu sa "liberté de parole" de "citoyen".

Après trois tentatives infructueuses d'entrer à l'Elysée, le patron du MoDem a vécu par procuration la victoire en soutenant Emmanuel Macron. Son image d'intégrité et son exigence d'une loi de moralisation publique valent à cet électron libre d'hériter du portefeuille de la Justice, un domaine qu'il découvre. Se posant en faiseur de roi, il fait mine de s'affranchir de la hiérarchie gouvernementale.

Début juin, l'ex-garde des Sceaux a dévoilé le premier grand chantier législatif du quinquennat: des mesures censées rétablir la "confiance" des citoyens, et dont il avait fait une condition de son ralliement à Emmanuel Macron. Quelques jours plus tard, le parquet de Paris ouvrait une enquête préliminaire visant à savoir si le MoDem, qu'il dirige depuis sa création en 2007, a salarié des employés en les faisant passer pour des assistants parlementaires européens.
"Aucune enquête n'est embarrassante pour nous", avait affirmé le président du parti qui tenait à défendre sa "liberté de parole" de "citoyen".

- Paternaliste -

Ministre d'Etat pendant 34 jours, François Bayrou juge avoir apporté un soutien décisif à la victoire du plus jeune président de la République. "Si Macron en est là, c'est un peu grâce à moi", avait-il confié à l'AFP fin mai.

Le maire de Pau avait cultivé durant l'hiver le suspense sur une quatrième candidature à la présidentielle: à la primaire de la droite, il avait d'abord soutenu Alain Juppé avant d'attaquer le programme de François Fillon, selon lui "ultralibéral", "droitier" et "dangereux pour l'alternance". "Les gens m'identifient à l'idée du centre", a coutume de dire François Bayrou.
L'irruption d'Emmanuel Macron, lui aussi pourfendeur d'un clivage droite-gauche "dépassé", mais de plus de vingt-cinq ans son cadet, a semé le trouble.

Après l'avoir qualifié en septembre d'"hologramme" et de candidat des "forces de l'argent", M. Bayrou a ensuite assuré qu'il connaissait mal l'ancien ministre de l'Economie. Fils d'agriculteur, natif de Bordères (Pyrénées-Atlantiques), catholique et laïc, grand lettré et auteur d'une biographie remarquée d'Henri IV, François Bayrou est entré en politique après son agrégation dans les années 70. Le sénateur Jean-Marie Vanlerenbergue se souvient avoir vu "débarquer un gars qui était agrégé de lettres et agriculteur" et avoir tout de suite compris que "ce type" allait "aller loin".

Certains de ses compagnons de route lui reprochent son manque d'esprit d'équipe, son ambition et son orgueil. Beaucoup lui reconnaissent son obstination, comme celle d'ailleurs qu'il a mise à vaincre son bégaiement survenu enfant. François Bayrou prit la relève de Pierre Méhaignerie à la tête du Centre des démocrates et sociaux (CDS) en 1994. Après être entré à l'Assemblée en 1986, il devint ministre de l'Éducation de 1993 à 1997, réussissant à se maintenir dans le gouvernement Chirac-Juppé après avoir pourtant soutenu Edouard Balladur.

Une gifle administrée à un enfant de Strasbourg qui tentait de lui faire les poches lui avait valu un solide regain de popularité lors de sa première tentative élyséenne en 2002 (6,8%). Mais son meilleur score (18,6%), le leader centriste l'a réalisé cinq ans plus tard, en 2007, sans toutefois se qualifier pour le second tour. Son refus de soutenir Nicolas Sarkozy a entraîné alors le départ de la plupart de ses soutiens. M. Bayrou n'a ensuite eu de cesse de pourfendre cet "enfant barbare", au point d'annoncer son soutien à François Hollande dans l'entre-deux-tour de 2012, après un score décevant au premier (9,1%).

Mais la déception envers François Hollande, François Bayrou l'a ressentie "dès la première seconde de son investiture", écrit-il dans son dernier opus, "Résolution française" (L'Observatoire), dans lequel il renvoie dos à dos les deux derniers présidents.

AFP

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