Grande-Bretagne

Londres - Une odeur de mort flotte toujours sur le quartier de la tour calcinée

  • Publié le 21 juin 2017 à 20:28

Une semaine après l'incendie de la tour Grenfell à Londres, qui a fait au moins 79 morts, une odeur de mort et de décombres brûlés flotte encore sur un quartier traumatisé, où les indignations et les révoltes affleurent à chaque conversation.


Le terrible bilan du sinistre, qui a transformé en torche l'immeuble de 24 étages de logements sociaux, pourrait même s'alourdir: personne ne sait (et ne saura sans doute jamais) combien de personnes les cent-vingt appartements contenaient exactement quand, dans la nuit de mardi à mercredi, le feu a pris dans les étages inférieurs.
Dans une tour habitée majoritairement par des personnes d'origine étrangère, dont de nombreux Marocains et Somaliens, certains avec des papiers, des permis de séjour et d'autres sans, la coutume était d'héberger parents, amis et connaissances, surtout en période de ramadan où les familles se réunissent tard le soir pour l'iftar, le repas de rupture du jeûne.
Placardée dans l'entrée de la station de métro voisine de Latimer Road, toujours fermée, une affichette datée du 18 juin, signée "Un citoyen britannique", clame: 600 résidents, 18 hospitalisés, 58 morts. Combien de résidents de la tour Grenfell ont-ils survécu?
"Nous allons continuer de tout faire pour apporter des réponses à ceux qui recherchent des proches", a déclaré mercredi matin un chef la police londonienne, Stuart Cundy. "J'ai bien conscience que pour ceux qui souffrent, ces réponses ne pourront jamais arriver assez tôt".
Mercredi matin, dix personnes étaient encore hospitalisées, dont six en soins intensifs.
Margaret Thomson, 47 ans, habite l'un des petits immeubles de quatre étages qui entourent la tour calcinée. Pour cela elle est autorisée à franchir les barrages de police qui, de tous côtés, isolent la lugubre silhouette du bâtiment dans lequel les recherches se poursuivent.
"Une semaine, et nous ne savons toujours pas combien de nos voisins sont morts", dit-elle à l'AFP. "C'est une véritable honte! Pensez-vous que si ça avait été un immeuble de luxe habité par des Blancs ce serait pareil? Certainement pas!".


- Tout a fondu -


Mardi soir, Thomas, un Londonien d'une vingtaine d'années, avait confié à l'AFP: "Regardez ces affichettes avec les portraits de personnes disparues partout. Ils ne sont pas dans les hôpitaux, on ne nous a pas dit qu'ils avaient quitté le pays. Ils étaient tous dans cet immeuble, et ils sont morts dedans".
"Nous exigeons la vérité. Il faut que les gens sachent qu'ils ont perdu des proches, qu'ils puissent faire leur deuil. Ils doivent pouvoir organiser des funérailles, et reprendre le cours de leur vie. Cela ne peut pas continuer comme ça", dit-il.
L'incertitude sur le nombre de victimes alimente les rumeurs, sur les trottoirs comme sur les réseaux sociaux, qui accusent les autorités et les médias généralistes de travestir la réalité parce que les victimes sont le plus souvent pauvres ou d'origine étrangère, dans cette tour de logement social plantée au c?ur du quartier le plus riche du Royaume-Uni.
En fait, la réalité, terrible mais plus prosaïque, est que l'incendie a ravagé la tour avec une telle intensité, peut-être à cause de la qualité du revêtement extérieur récemment posé, que tout a fondu dans les appartements touchés, au-dessus du deuxième étage.
Les photos publiées par la Metropolitan Police montrent des intérieurs entièrement calcinés - chose rare dans la plupart des incendies - où les meubles, les équipements, et sans doute certaines victimes, sont réduits à l'état de cendres.
Après avoir progressé prudemment dans les décombres et consolidé les endroits qui menaçaient de s'effondrer, les pompiers et les experts sont parvenus à explorer les derniers appartements qui leur restaient inaccessibles, a indiqué l'état-major des pompiers londoniens.
Mais les destructions sont telles qu'il faudra attendre plusieurs jours, si ce n'est davantage, pour parvenir à un bilan exact des victimes. Il faudra ensuite entreprendre de les identifier, autre tâche ardue dans ce contexte.
En 2001 à New York, il avait fallu plus de six mois pour parvenir au bilan définitif des attaques contre le World Trade Center. Fin septembre, les estimations faisaient état de plus de 6.700 morts ou disparus, pour descendre en janvier à près de 2.800.

Par Aurélie MAYEMBO - © 2017 AFP

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