Pakistan

Chute du Premier ministre, "disqualifié" pour corruption

  • Publié le 28 juillet 2017 à 14:10

La Cour suprême du Pakistan a rendu vendredi un arrêt prononçant la "disqualification" du Premier ministre Nawaz Sharif et sa destitution de fait suite à une affaire de corruption, ouvrant une période d'incertitude politique dans le pays.

 

M. Sharif "est disqualifié en tant que député au Parlement et a donc cessé d'occuper le poste de Premier ministre", a déclaré le juge Ejaz Afzal Khan devant une foule compacte réunie au siège de la Cour pour entendre ce jugement très attendu.


Cette décision fait suite à la découverte par une commission d'enquête d'une "importante disparité" entre les revenus de la famille Sharif et son train de vie, apparue au grand jour l'an dernier dans le cadre du scandale des Panama Papers.


Les Sharif sont soupçonnés d'avoir dissimulé la vérité sur des sociétés et biens immobiliers détenus via des holdings off-shore, notamment de luxueux appartements londoniens. Leurs partisans assurent que les fonds sont légaux et viennent d'entreprises familiales basées au Pakistan et dans le Golfe.


Trois des quatre enfants du chef du gouvernement sont mis en cause, ses fils Hasan et Hussein et sa fille Maryam Nawaz, jusqu'ici pressentie comme son héritière en politique à un an des prochaines élections législatives. L'arrêt, rendu en fin de matinée dans une Islamabad placée sous haute sécurité, a immédiatement provoqué des scènes de liesse des partisans de l'opposition descendus dans la rue.


Le jugement ordonne aussi à l'autorité anti-corruption de lancer une nouvelle enquête qui pourrait se traduire par des poursuites judiciaires contre les Sharif. Le président pakistanais Manmoon Hussain se voit pour sa part chargé de "prendre les mesures nécessaires prévues par la Constitution pour assurer la poursuite de l'ordre démocratique".
Le parti du Premier ministre, le PML-N, a confirmé peu après que M. Sharif avait "quitté son poste".

"Nous allons étudier la décision en détail et élaborer un plan d'action pour l'avenir", a ajouté Maryam Aurangzeb, ministre de l'Information dans le gouvernement de M. Sharif. "Pas un centime de corruption n'a été prouvé dans cette décision contre Nawaz Sharif et le peuple pakistanais le sait aussi", a-t-elle souligné. "Si Dieu le veut, Nawaz Sharif sera réélu une quatrième fois", a-t-elle lancé.

- "Historique" -

Le scandale avait éclaté l'an dernier, lorsque le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) avait publié quelque 11,5 millions de documents secrets émanant du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, les Panama Papers.


Pour l'analyste politique Farooq Moin, "le jugement peut être qualifié d'historique dans la mesure où il concerne un chef du gouvernement en fonctions et sa famille". L'avenir immédiat paraît encore flou, souligne-t-il: "Je pense qu'il y a de grandes chances que le parti (de M. Sharif) PML-N forme un nouveau gouvernement avec un nouveau Premier ministre, avec le soutien de ses partenaires de coalition, puisqu'ils ont toujours la majorité au Parlement".


Le PML-N n'a toutefois aucun successeur désigné pour le moment. Les prochaines élections législatives sont théoriquement prévues en 2018. Le "lion du Pendjab" n?aura ainsi mené à terme aucun de ses trois mandats comme chef du gouvernement. Il avait déjà été contraint à la démission en raison d'accusations de corruption en 1993.

Son deuxième mandat, démarré en 1997, avait lui aussi tourné court en 1999 suite à un coup d'Etat militaire et M. Sharif avait été contraint à plusieurs années d'exil en Arabie saoudite. C'est la seconde fois dans l'histoire du Pakistan qu?un Premier ministre en poste est démis par une intervention de la Cour suprême, la première fois remontant à 2012.

- L'opposition aux anges -


Des dizaines de partisans de l'opposant pakistanais Imran Khan, ancienne star du cricket en pointe dans l'offensive contre M. Sharif, sont descendus dans la rue, aux anges, faisant des signes de victoire et criant "Va-t-en Nawaz" ou "Nawaz est un voleur".


Le vice-président du PTI, le parti de M. Khan, Shah Mehmood Qureshi a déclaré à la presse qu'"aujourd'hui la Cour suprême a écrit une nouvelle page historique. Je veux remercier les juges au nom du peuple pakistanais car ils ont rendu l'impossible possible".

À l'inverse, à Lahore, fief de la famille Sharif, des manifestants ont protesté contre la sentence, bloquant les rues et brûlant des pneus.

AFP

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