Les jihadistes imposent l'enrôlement obligatoire

Dans l'est syrien, on fuit en masse le recrutement forcé par l'EI

  • Publié le 15 août 2017 à 10:03

"Tous les jeunes de 20 à 30 ans doivent s'enrôler pour combattre dans toute la Syrie". Dès qu'il entendu cet appel du groupe jihadiste Etat islamique (EI), Mahmoud al-Ali a fui sa localité dans l'est syrien sans demander son reste. Acculée de toutes parts dans le pays en guerre, l'organisation ultraradicale a imposé récemment l'enrôlement obligatoire dans Deir Ezzor, la dernière province qu'elle contrôle quasi-totalement dans le pays en guerre.


Comme Mahmoud al-Ali, 26 ans, les habitants de localités et villages de la province se sont esquivés en masse. Beaucoup se sont réfugiés dans un camp de déplacés dans la province voisine de Hassaké (nord-est) situé à 7 km de la localité d'Aricha.
En plein désert, ce camp est une marée de tentes portant le sigle du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
S'il y a des enfants et des femmes assis à même le sol sous une chaleur écrasante, la singularité du camp tient au fait qu'il est majoritairement peuplé de jeunes hommes.

"L'EI nous a dit que le jihad (guerre sainte) était désormais un devoir", raconte à l'AFP Mahmoud al-Ali qui a quitté avec sa famille la localité d'al-Echara, au sud-est de la ville de Deir Ezzor, chef-lieu de la province du même nom.

- Raids et arrestations -

"Mais la plupart des jeunes ont refusé et nous avons fui par milliers", a ajouté cet homme qui, comme beaucoup d'autres, portait une tunique masculine traditionnelle et la barbe longue, un style imposé par l'EI.

Des habitants et l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) ont rapporté qu'à travers les prêches du vendredi, les haut-parleurs et les tracts, les jihadistes ont notifié les résidents qu'ils avaient une semaine pour s'inscrire aux bureaux de recrutement.

"La situation est devenue dramatique", commente un autre déplacé, Salah al-Mohammad, 28 ans. Les jihadistes "menaient des perquisitions dans les maisons pour enrôler de force les jeunes", selon cet homme qui a fui Mayadine, la deuxième plus importante ville de la province de Deir Ezzor. Beaucoup de "récalcitrants" sont arrêtés.

D'après Ahmad al-Abed, également de Mayadine, ceux qui sont recrutés "suivent un entraînement d'un mois puis combattent avec l'EI pendant quatre mois". Beaucoup n'ont pas réussi à partir et restent coincés dans la province quasiment contrôlée par l'EI depuis 2014.

"Il y a des gens qui ne peuvent pas sortir. Nous avons payé (aux passeurs) deux millions de livres syriennes (environ 3.300 euros) pour 15 membres de notre famille", a précisé Ahmad al-Abed, 23 ans. Devant la fuite massive des habitants, l'EI a renforcé les mesures de contrôle dans la province.

Cibles de plusieurs offensives, l'EI a perdu beaucoup de terrain en Syrie. Après avoir été chassé de la province d'Alep (nord), il est aujourd'hui en difficulté à Raqa (nord), sa "capitale" de facto et est en passe d'être chassé totalement par le régime de la province de Homs (centre).

- 'Impossible de sortir' -

Sous pression, il semble que l'EI veuille mobiliser pour défendre Deir Ezzor, la prochaine bataille pour le régime syrien et son allié russe. Cette province "marquerait la fin de la lutte contre l'EI", selon Moscou. Les jihadistes ont dit "aux jeunes: 'Nous voulons que vous nous souteniez dans la bataille de Deir Ezzor'", raconte Hazem al-Satem, 25 ans, également de la localité d'al-Echara. "Mais personne ne voulait les rejoindre".

Les milliers de personnes qui ont pu s'échapper ont, eux, échoué dans des camps de misère: manque de nourriture et d'eau et absence de soins médicaux. Le camp d'Aricha, créé il y a deux mois et situé dans le périmètre d'une raffinerie de pétrole, abrite 7.100 personnes entassées dans 400 tentes.

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué lundi que les déplacés dans la quarantaine de camps de Raqa et de Hassaké vivaient dans des conditions "terribles". "Ces tentes sont littéralement en plein désert. Les serpents et les scorpions sont une menace quotidienne", a dit Ingy Sedky, porte-parole du CICR à Damas. "Des enfants jouent dans des déchets toxiques, boivent et se baignent dans de l'eau contaminée".

Malgré cette déchéance, les déplacés se félicitent de l'avoir échappé belle. "On a pu sauver notre vie", dit Ibrahim Khaled, 28 ans. "Pour ceux qui sont restés, cela va être impossible de sortir".

AFP

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