France - Ecoles

Dans les CP à 12 des quartiers défavorisés, "le bavardage, c'est fini"

  • Publié le 4 septembre 2017 à 16:34

"Le bavardage c'est fini : à 12, le moindre bruit ça va se voir", glisse Djamel Abbas à son fils. Au pied des tours des Tarterêts, un quartier populaire de Corbeil-Essonnes près de Paris, ce papa lâche la main de son fils Daniel, qui rentre en CP.?


L'Algérien de 44 ans est déjà convaincu par la mesure phare de cette rentrée : le dédoublement des CP dans les quartiers défavorisés, qui débute dans 2.500 classes lundi. Au lieu d'apprendre à 25, les élèves seront 12. "Diminuer le nombre, ça ne peut avoir que des avantages", estime le papa, habitué aux classes à 35 de son pays.

"On va consacrer plus de temps à enseigner, et moins à faire la police", sourit Nadège Gautier, en mettant sa douzaine de bambins en rang, dans la cour de l'école des Quatre Vents. "Ca va être un vrai bonheur, pour eux comme pour nous", s'enthousiasme l'institutrice, depuis neuf ans dans le quartier.

Au-delà de la discipline, les enseignantes se réjouissent des nouvelles possibilités pédagogiques ouvertes par la réduction du nombre d'élèves.
"On va pouvoir faire des groupes de quatre ou cinq, alors qu'avant on faisait des groupes de douze", explique Célia Pereira, 26 ans. "Ceux qui seront plus à l'aise vont pouvoir évoluer en autonomie, et on va pouvoir mieux guider les enfants plus en difficulté". "Avec un grand groupe, il y a toujours des enfants qui ne parlent pas et se mettent de côté", ajoute Mme Gautier. "Là, chacun va mieux participer".

De meilleures conditions pour se concentrer sur les fondamentaux : apprendre à lire, écrire et compter. Un enjeu essentiel, selon les deux maîtresses, dans un quartier où vivent de nombreux immigrés et où beaucoup d'enfants ont du mal avec le français.

- Plus de pédagogies alternatives -

"L'école est parfois un des seuls endroits où ils parlent français", rappellent-elles. "Nous avons aussi de très bons élèves, qu'on va pouvoir bien plus stimuler grâce à ce dispositif", remarque Etienne Coue, le directeur de l'école, qui n'a eu aucun problème pour loger le nouveau groupe de CP : le nombre de classes aux Tarterêts avait diminué ces dernières années, car certaines tours du quartier ont été détruites. Ailleurs en France, 14% des CP concernés feront cours avec deux maîtres dans la même salle.

Parfois, l'Éducation nationale y a affecté des "instituteurs volants", chargés d'intervenir dans plusieurs classes en complément des enseignants habituels, pour permettre le dédoublement du CP. Maître additionnel, Ludovic Carrey réactive notamment la lecture chez les CE1, qui oublient parfois beaucoup en un été. "Sans maître supplémentaire, ce serait vraiment compliqué".

Aux Tarterêts, les CP ne seront en effectif réduit que le matin, pour le français et les mathématiques. L'après-midi, retour à un groupe plus conséquent pour le sport, les arts ou les sciences. "Comme ça, ils ne seront pas perdus lorsqu'ils se retrouveront en grands groupes dans les niveaux supérieurs", commente Mme Gautier qui va suivre une formation sur l'animation à la lecture pour "pouvoir piocher plus facilement dans des pédagogies alternatives".

Dans l'école mitoyenne Jacques Prévert, Mélanie Salson a introduit une dose de méthode Montessori depuis deux ans pendant ses cours. Colorée, sa classe dispose d'un alphabet mobile pour améliorer le sens des lettres, et d'un coin avec des coussins destiné à divers ateliers.
"J'ai vu des améliorations chez les élèves, sur la motricité, l'écriture et l'autonomie", explique-t-elle. Elle aussi s'enthousiasme de la réduction des effectifs, mais prévient : "si vous continuez à enseigner 12 comme à 24, ça n'a aucun intérêt".
AFP

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