Un système avec des failles

En Allemagne, la difficile réinsertion des chômeurs de longue durée

  • Publié le 17 septembre 2017 à 16:48
  • Actualisé le 17 septembre 2017 à 17:36

Dans une église du quartier populaire de Garath, à Düsseldorf, des dizaines de chômeurs font chaque vendredi un plein de nourriture gratuite. Ils sont les laissés-pour-compte d'un pays pourtant proche du plein emploi.


À l'approche des législatives du 24 septembre, Angela Merkel fait campagne sur le succès du modèle allemand qui a permis de réduire de moitié le nombre de chômeurs depuis 2005. Mais le système a ses failles: 900.000 personnes, à la recherche d'un emploi depuis plus d'un an, restent difficiles à réinsérer. La chancelière promet le plein emploi d'ici 2025, qui passe par un meilleur accompagnement des chômeurs de longue durée.


Son rival social-démocrate Martin Schulz, qui a placé la justice sociale au coeur de sa campagne, veut doper les chances de retrouver un emploi avec l'aide de fonds publics, notamment pour la formation professionnelle. Réinsérer les chômeurs est un défi familier à Düsseldorf, cité industrielle de la Ruhr où le taux de chômage, à 7,5%, dépasse la moyenne nationale (5,7%). Un huitième de la population, soit 64.000 habitants, y vit chichement de l'aide sociale.

À Garath, la "Tafel", l'équivalent allemand des Restos du Coeur, doit refuser du monde. "110 foyers défilent chaque vendredi en alternance, soit 220 en tout, c'est le maximum que l'on puisse gérer", explique le directeur, Burkhard Schellenberg, retraité de 63 ans.

- Qualifications -

Parmi ses visiteurs, 55% sont des chômeurs, 30% des retraités pauvres, le reste des réfugiés arrivés depuis 2015 avec plus d'un million de migrants fuyant la guerre et la misère.
Jan-Erik Flory, 21 ans, aussi grand que corpulent, vient se servir ici "parce qu'en tant que chômeur on reçoit assez peu d'argent." Depuis l'école quittée à 17 ans, il erre entre intérim et mesures d'insertion. Il veut devenir jardinier, mais "on ne m'a proposé aucun poste dans la région", dit-il, amer.


Boitillant à cause d'un genou enflammé, Tanja, 45 ans, ancienne cadre dans la communication, avait arrêté de travailler pour élever ses enfants. "Je cherche depuis 6 ans un nouvel emploi", explique-t-elle, trouvant comme Jan-Erik que l'agence pour l'emploi ne l'y aide guère. Depuis les réformes dites "Hartz" du marché du travail, adoptées entre 2003 et 2005 sous le chancelier SPD Gerhard Schröder, les "jobs centers" assurent à la fois le suivi des chômeurs et le versement de leur aide sociale - 409 euros par mois pour un célibataire plus une participation aux frais de logement et d'électricité.


"Deux tiers de nos clients n'ont aucun diplôme professionnel et un tiers aucun diplôme scolaire. Cela rend l'intégration difficile dans notre société où ce sont surtout des travailleurs qualifiés qui sont recherchés", souligne Ingo Zielonkowsky, directeur du jobcenter de Düsseldorf.


- Effort budgétaire -

Il se félicite pourtant d'avoir diminué d'un quart le nombre des chômeurs de longue durée en moins en deux ans, notamment en envoyant certains en entreprise pour un galop d'essai non rémunéré, pendant lequel leur allocation est maintenue: "dans la moitié des cas, l'essai est suivi d'une embauche", souligne-t-il. Mais la réinsertion des chômeurs bénéficie de moyens limités: seul 10% du budget du Jobcenter de Düsseldorf est consacré aux mesures d'insertion, les trois-quarts allant à l'aide sociale.


Lors de la dernière législature, pourtant marqué par un retour à l'excédent budgétaire, on a "gelé le financement de formations préventives contre la perte d'emploi via l'assurance-chômage", déplore Alexander Spermann, professeur à l'Université de Fribourg, qui espère mieux du prochain gouvernement. Outre la CDU et le SPD, les autres partis ont aussi leur idée pour améliorer le sort des chômeurs de longue durée.


La gauche radicale propose un contingent de 200.000 emplois subventionnés. A droite, le parti libéral FDP veut relever le plafond des "minijobs", ces emplois de quelques heures par semaine rémunérés jusqu'à 450 euros, auxquels 7,8 millions d'Allemands recourent pour arrondir leur fin de mois.

Car la baisse du chômage dans le pays s'est faite au prix d'une plus grande précarité. Tanja espère pouvoir se libérer bientôt des béquilles financières de l'aide sociale. "J'ai une journée d'essai lundi pour un emploi de bureau à la Croix-Rouge", confie-t-elle pleine d'espoir, quittant la Tafel de Garath son chariot plein de victuailles.

AFP

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