Espace

Première observation d'une fusion d'étoiles à neutrons

  • Publié le 16 octobre 2017 à 18:59
  • Actualisé le 16 octobre 2017 à 19:06

Pour la première fois, des scientifiques ont pu observer la fusion de deux étoiles à neutrons, un des secrets les mieux gardés de l'univers, véritable "feu d'artifice" dont l'observation a débuté par la détection d'ondes gravitationnelles.


"Ce qui est merveilleux c'est que l'on a vu toute l'histoire se dérouler: on a vu les étoiles à neutrons se rapprocher, tourner de plus en vite l'une autour de l'autre, on a vu la collision, puis la matière, les débris envoyés partout", a expliqué à l'AFP Benoît Mours, directeur de recherche CNRS.
Cette observation inédite apporte des réponses à plusieurs "mystères" scientifiques. Non seulement les chercheurs en savent davantage sur la fusion violente des étoiles à neutrons, un phénomène encore jamais observé, mais ils ont résolu la question de l'origine de l'or sur Terre et ont pu calculer la vitesse de l'expansion de l'univers.

Le 17 août, pendant 100 secondes, des ondes gravitationnelles sont arrivées jusqu'aux détecteurs américains Ligo et européen Virgo, donnant l'alerte. Derrière ce signal, différent de ceux observés précédemment, deux étoiles à neutrons sur le point de fusionner. Dans les heures et les jours suivants, d'autres "messagers" arriveront de l'espace: des sursauts gamma, des rayons X, des rayonnements ultraviolets et infrarouges ou encore des ondes hertziennes.

"C'est une première d'observer un même phénomène cosmique avec des ondes gravitationnelles et de la lumière", s'est enthousiasmé Benoît Mours, responsable scientifique de la collaboration Virgo pour la France. Les étoiles à neutrons sont les objets les plus denses du cosmos, d'une masse comprise entre 1,1 et 1,6 fois la masse du soleil. Si on pouvait remplir une petite cuillère avec de "l'étoile à neutrons", elle pèserait l'équivalent de 100.000 tours Eiffel.

Ces petits corps sont les vestiges d'étoiles plus grosses. En fin de vie, les étoiles très massives explosent violemment. Une fois cette explosion terminée (un phénomène que l'on appelle supernova), restent des objets extrêmement denses (des trous noirs ou des étoiles à neutrons).

- Des "usines" à métaux -

Les étoiles observées en août allaient par deux. De la taille d'une ville comme Londres, elles tournoyaient l'une autour de l'autre dans la constellation de l'Hydre de l'hémisphère austral, à 130 millions d'années lumière, précise un communiqué du CNRS, membre de Virgo. "Les étoiles à neutrons atteignent des températures extrêmement hautes, peut-être un million de degrés. Elles sont également très radioactives, leurs champs magnétiques sont incroyablement intenses et seraient fatals à quiconque s'approcherait", a expliqué Patrick Sutton, responsable de l'équipe de physique gravitationnelle de l'université de Cardiff. "Elles représentent sans doute l'environnement le plus hostile de l'univers".

De leur observation, les chercheurs ont pu définir une nouvelle façon de mesurer la vitesse de l'expansion de l'univers et ont pu confirmer que la gravitation se propage bel et bien à la vitesse de la lumière comme l'avait prédit Albert Einstein. Ces observations apportent également une solution à l'énigme de l'origine des éléments les plus lourds de l'Univers comme le plomb, l'or ou le platine. Selon les études, ces fusions d'étoiles à neutrons sont des "usines à éléments lourds", du fait de l'abondance de neutrons.

Cette découverte fait l'objet de plus d'une dizaine d'études publiées lundi dans les plus prestigieuses revues scientifiques comme Nature et Science. Plusieurs conférences de presse simultanées avaient aussi lieu à Washington, Paris, Londres ou encore Berlin... La fusion des étoiles à neutrons avait été prédite par les modèles.

C'est la nouvelle capacité des chercheurs à détecter les ondes gravitationnelles (depuis 2015) qui a permis d'identifier et localiser ce phénomène. Ces détections, saluées par le Prix Nobel de physique au début du mois, ont ouvert un nouveau chapitre de l'astronomie. Pas moins de 1.200 scientifiques collaborent aux détecteurs Ligo et Virgo, et plus de 70 observatoires sur Terre et dans l'Espace ont traqué cette fusion. En tout, plusieurs milliers de personnes ont ?uvré à cette première scientifique.

Et l'aventure n'est pas terminée: "nous avons suffisamment de données pour travailler un bon moment!", s'enthousiasme Benoît Mours.
AFP

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