Vénézuéla

L'opposition vénézuélienne, récompensée à l'un de ses pires moments

  • Publié le 26 octobre 2017 à 19:43
  • Actualisé le 26 octobre 2017 à 21:25

Saluée pour sa "liberté de pensée" par le Parlement européen, qui lui a décerné jeudi son Prix Sakharov, l'opposition vénézuélienne traverse l'une de ses pires crises, profondément divisée face au président socialiste Nicolas Maduro.


Réunie au sein de la Table pour l'unité démocratique (MUD), née en 2008 en tant que contrepoids à Hugo Chavez (chef de l'Etat de 1999 à 2013), l'opposition comprend une large palette de partis de centre droit, du centre et même de gauche. Actuellement, "c'est l'un des pires moments" pour cette coalition, dit à l'AFP le politologue Edgard Gutiérrez. "L'unité politique n'a jamais été réelle, mais il y avait une unité pour les échéances électorales", alors qu'aujourd'hui il y a une "crise" qui met au jour des "différences politiques de fond".

Contre toute attente, la MUD vient en effet d'essuyer un cinglant revers aux élections régionales du 15 octobre, quand le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV) de M. Maduro a obtenu 18 des 23 postes de gouverneurs. La défaite a ravivé les divisions au sein de la coalition, qui depuis sa création a connu une montagne russe de succès et d'échecs.

Dès 2002, l'ancêtre de la MUD, la Coordination démocratique, bataille contre Hugo Chavez, déclenchant une vague de manifestations qui débouche sur un coup d'Etat de 48 heures. Deux ans plus tard, l'opposition échoue dans son référendum révocatoire contre le président, puis aux scrutins présidentiels de 2006 et de 2012.

Ensuite débute l'affrontement contre Nicolas Maduro, vainqueur de justesse de la présidentielle de 2013 face à Henrique Capriles, le candidat de la MUD. Mais la coalition souffre de ses divisions entre modérés et radicaux, notamment en 2014 quand Leopoldo Lopez, un de ses responsables, appelle à manifester en masse pour exiger le départ du chef de l'Etat.

Accusé d'encourager la violence dans ces rassemblements qui font 43 morts de février à avril, il est condamné à près de 14 ans de prison, purgeant désormais sa peine à domicile. Il est l'un des 391 prisonniers politiques du Venezuela recensés par l'ONG Foro Penal.

- Une implosion ? -

L'opposition trouve un nouveau souffle quand le mécontentement populaire gronde, alimenté par une crise économique aigüe : en décembre 2015, la MUD remporte une victoire historique aux législatives, décrochant 112 des 167 sièges de députés et mettant ainsi fin à 16 ans d'hégémonie chaviste.

Renforcée, elle se fixe alors pour mission d'obtenir par tous les moyens le départ du président Maduro, mais son succès électoral ne lui sert finalement à rien, la Cour suprême (considérée comme proche du gouvernement) annulant la moindre des décisions du Parlement.

Ne pouvant plus rien faire par la voie législative, l'opposition reprend alors le chemin de la rue en 2016, appelant à manifester pour exiger l'organisation d'un référendum révocatoire contre Nicolas Maduro. Mais cette fois, ce sont les autorités électorales (également accusées de servir les intérêts de l'exécutif) qui bloquent le processus. Déboussolée, la MUD se lance alors dans une tentative de dialogue avec le gouvernement sous l'égide du Vatican, décevant une partie de sa base.

Les discussions sont un échec et en avril 2017, les manifestations reprennent de plus belle : pendant quatre mois, des centaines de milliers de personnes défilent pour exiger le départ du président Maduro. Les violences liées à ces rassemblements font 125 morts.
Mais le chef de l'Etat n'a pas dit son dernier mot. Le 30 juillet il fait élire une Assemblée constituante toute-puissante, uniquement composée de chavistes car l'opposition refuse de participer au scrutin. Fragilisée, cette dernière voit aussi la mobilisation dans les rues cesser net.

Nouveau changement de stratégique en octobre : cette fois, la MUD accepte de participer aux élections régionales. Outre sa défaite, elle se trouve confrontée à ses contradictions, quand quatre des cinq gouverneurs membres de l'opposition élus prêtent serment devant la Constituante, que l'opposition ne reconnaît pas.

En signe de protestation, Henrique Capriles claque la porte de la coalition, plus divisée que jamais à l'approche des municipales (encore à une date indéterminée), puis de la présidentielle de fin 2018. "Le gouvernement est en train d'appliquer son plan d'accaparer le pouvoir pour toujours, ce qui implique de détruire son principal ennemi politique. La MUD est peut-être en train d'imploser", estime le politologue Luis Salamanca.
AFP

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