Harcèlement sexuel

La classe politique britannique en pleine introspection

  • Publié le 2 novembre 2017 à 19:15
  • Actualisé le 2 novembre 2017 à 19:48

Depuis l'affaire Weinstein, la parole s'est libérée au Royaume-uni qui s'interroge sur une "culture du harcèlement sexuel" proliférant dans les couloirs de Westminster. Cette vague a déjà emporté le ministre de la Défense, Michael Fallon, qui a démissionné mercredi. Il était accusé d'avoir posé sa main sur le genou d'une journaliste. Si le ministre a nié "beaucoup des allégations" le concernant, il a aussi reconnu "n'avoir pas été à la hauteur" dans le passé.


M. Fallon n'est pas le seul membre du gouvernement mis en cause: le vice-Premier ministre Damian Green est aussi mis en cause pour avoir touché le genou d'une militante et de lui avoir envoyé un SMS suggestif, des accusations qu'il nie farouchement. Depuis plusieurs jours, les témoignages d'assistants parlementaires ou de militants se multiplient. Il y a ce groupe de discussion WhatsApp sur lequel on se conseille d'éviter tel ou tel politicien, à cause de ses "mains baladeuses", ou parce qu'on ne se sent pas en sécurité seul avec lui. Il y a aussi cette liste qui circule avec les noms de 40 parlementaires conservateurs visés par des accusations variées, de la liaison extraconjugale à l'agression sexuelle.

Avec ses 650 députés, dont une large majorité d'hommes, Westminster serait-il devenu un endroit dangereux pour les jeunes et les femmes? Pour Dawn Butler, référente sur les questions de femmes et d'égalité au Parti travailliste, principal parti d'opposition, "le problème des abus envers les femmes et du harcèlement sexuel ne se limite pas à ceux qui font des avances non désirées aux femmes". "Il s'étend à une culture qui a toléré ou minimisé les abus trop longtemps", écrit-elle dans une lettre à la Première ministre Theresa May.

- "Attitude de dinosaure" -

"Une culture dégradante existe et prospère dans les coulisses du pouvoir", a également dénoncé le chef du Parti travailliste, Jeremy Corbyn. Son parti n'est d'ailleurs pas épargné, la plus grave accusation venant d'une militante, Bex Bailey, qui dit avoir été violée en 2011 lors d'un événement organisé par le parti. La militante, 19 ans à l'époque, a expliqué qu'on l'avait découragé de porter plainte, lui assurant que cela ruinerait sa carrière.

Face à la multiplication des accusations, une prise de conscience semble en train de s'opérer. Le ministre du Commerce international, Mark Garnier, qui a reconnu avoir affublé sa secrétaire d'un surnom à caractère sexuel et lui avoir demandé d'acheter des sextoys, a reconnu que ses actions pouvaient être vues comme une "attitude de dinosaure".

Accusé de minimiser les agressions sexuelles, Michael Gove, le ministre de l'Environnement, a lui présenté ses excuses pour une blague douteuse. Entrer dans le studio de BBC Radio 4, "c'est comme entrer dans la chambre à coucher de Harvey Weinstein -on espère émerger avec sa dignité intacte", avait-il déclaré. Certains soulèvent la question de la consommation d'alcool au Parlement, qui abrite plusieurs bars et restaurants.

Un stagiaire du Parlement, James Greenhalgh a raconté à la BBC qu'un député "puant l'alcool" avait posé son bras sur lui à l'extérieur d'un bar de la Chambre des Communes. "Son bras a soudain glissé vers mes fesses (...) et est allé un peu plus loin entre mes jambes", a-t-il décrit, expliquant s'être senti "violé". "Les frontières floues travail/social/alcool n'aident pas. Westminster est un lieu de travail", a tweeté la députée conservatrice Nadine Dorries qui demande la fermeture de ces bars.

D'autres, comme la cheffe des conservateurs écossais, Ruth Davidson, soulignent les rapports de "pouvoir" entre de jeunes diplômés et des députés seniors, capables de faire ou défaire leur carrière. "Le barrage a cédé maintenant et ces professions dominées par les hommes, où la culture des vestiaires de garçons prévalait et tout le monde riait bien, doit maintenant cesser", a-t-elle déclaré. "Profondément préoccupée", Theresa May réunira lundi les chefs de partis politiques pour discuter du harcèlement sexuel à Westminster.

AFP

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