Sous blocus

Des Yéménites épuisés luttent contre pénuries et privations

  • Publié le 15 novembre 2017 à 17:00
  • Actualisé le 15 novembre 2017 à 17:14

Une fillette se contorsionne de douleur sur son lit d'hôpital dans la capitale yéménite Sanaa, les yeux emplis de larmes, un tube dans le nez. Dans le couloir, le docteur Mohammed al-Ayzari, reste debout, le visage creusé par l'épuisement.

"Les cas de malnutrition n'ont jamais été aussi nombreux" et "il y a une grave pénurie de médicaments et d'instruments médicaux", déplore-t-il. L'ONU a averti que sept millions de Yéménites se trouvent au bord de la famine en raison de la guerre.

Depuis mars 2015, une coalition conduite par les Saoudiens est entrée en guerre contre des rebelles chiites houthis, soutenus par l'Iran, qui avaient pris le pouvoir à Sanaa, et leur a imposé un blocus économique.
La décision saoudienne de renforcer ce blocus aérien, maritime et terrestre après un tir le 4 novembre d'un missile balistique rebelle sur Ryad a fait bondir les prix des biens de consommation à Sanaa et a alimenté le spectre d'une famine.
Devant une station-service à Sanaa, une famille attend désespérément de pouvoir échanger ses bonbonnes de gaz vides par des pleines.
La mère, vêtue de noir, s'est effondrée sur le trottoir, tandis que son mari s'impatiente avec leur petite fille et leurs deux garçons.
"Nous sommes ici depuis près d'une semaine", déclare à l'AFP un autre habitant, Fouad Al-Harazi. "Tous les jours, on nous dit que la livraison est imminente, mais il n'en est rien".


- "Impossible de survivre" -


Les prix ont grimpé en flèche à Sanaa depuis le durcissement du blocus au lendemain du tir du missile sur Ryad qui a provoqué une violente passe d'armes entre Saoudiens et Iraniens.
Le prix du carburant a augmenté de près des deux tiers, celui de l'eau livrée par camion de 133% et le ticket d'autobus a doublé voire triplé, selon le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU.
Des voitures circulent encore à Sanaa, mais plusieurs stations ont fermé.
Amine Mohammed, un habitant de Sanaa, laisse éclater sa colère. "On est assiégé. On n'a plus de gaz de cuisine. Des gens meurent dans leurs maisons à cause des pénuries".
"Pourquoi assiègent-ils le Yémen? Qu'est-ce qu'ils en tirent?"
Devant des vendeurs ambulants, Amer Ali, un fonctionnaire, exprime le même désespoir. "La hausse des prix du carburant a fait grimper les prix des denrées alimentaires (...) et la classe moyenne ne peut pas survivre".
Ryad et ses alliés sont intervenus dans le conflit yéménite en mars 2015 avec l'objectif déclaré de faire reculer les Houthis, comparés aux miliciens du Hezbollah libanais, et de rétablir le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi.
Plus de deux ans et demi plus tard, des milliers de personnes sont mortes dans la guerre et les rebelles contrôlent toujours Sanaa et une grande partie du nord du Yémen.


- Impact "inimaginable" -


Le secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires de l'ONU, Mark Lowcock, a évoqué samedi devant le Conseil de sécurité le risque de voir survenir "la plus grande famine" de ces dernières décennies --avec des "millions de victimes"-- si le blocus n'était pas levé.
Lundi, l'ambassadeur d'Arabie saoudite auprès de l'ONU Abdallah al-Mouallimi a tenté de dissiper les inquiétudes, indiquant que les ports des zones contrôlées par le gouvernement étaient en cours de réouverture.
Mais Ryad insiste sur davantage de contrôles des ports tenus par les rebelles, soupçonnés d'importations clandestines d'armements, tandis que l'ONU demande un "accès total" à tous les ports et aéroports du pays.
Les responsables de l'aide humanitaire estiment que le port d'Aden (sud), contrôlé par le gouvernement, ne peut pas assurer un flux continu de l'aide destinée à des millions de personnes.
Celui de Hodeida (ouest), tenu par les rebelles, est en revanche le plus proche de la majorité des personnes dans le besoin.
Le coordinateur de l'aide de l'ONU au Yémen, Jamie McGoldrick, a insisté mardi sur l'ouverture des ports en disant que les Saoudiens pouvaient continuer les mesures d'inspections actuelles.
"Nous ne pouvons pas fermer ces ports ou ces aéroports en attendant que les discussions sur de nouveaux mandats d'inspection aient lieu", a-t-il déclaré. "L'impact humanitaire de ce qui se passe ici est inimaginable".

Par Wafaa ESSALHI - © 2017 AFP

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