Des milliers d'habitants défiaient mardi l'état d'urgence

Présidentielle au Honduras: malgré le couvre-feu, la colère gronde

  • Publié le 5 décembre 2017 à 20:07
  • Actualisé le 5 décembre 2017 à 20:35

Des milliers d'habitants défiaient mardi l'état d'urgence en vigueur au Honduras pour exprimer leur colère face aux suspicions de fraude lors du scrutin du 26 novembre, qui augure d'une réélection du président de droite Juan Orlando Hernandez.


Malgré le couvre-feu appliqué de 20H à 5H du matin, nombre d'entre eux sont descendus dans les rues dans la nuit de lundi à mardi pour ériger des barricades et frapper dans des casseroles, dans la capitale Tegucigalpa et ailleurs dans le pays. Sur les murs se multiplient les inscriptions hostiles au président Hernandez, telles "Dehors le dictateur!" ou encore "Fraudeur".

Officiellement et malgré le dépouillement de 99,98% des bulletins, le Tribunal suprême électoral (TSE) se refuse à déclarer un vainqueur, dans l'attente de probables recours du camp adverse. Selon ses derniers chiffres, Juan Orlando Hernandez, 49 ans, a remporté 42,98% des scrutins, contre 41,39% pour son opposant de gauche, l'animateur de télévision Salvador Nasralla, 64 ans, à l'inverse des résultats initiaux qui donnaient ce dernier en tête avec cinq points d'avance.
Ce dernier a affirmé lundi à l'AFP qu'il ne pourrait "jamais accepter" ces résultats "ni officiels ni définitifs" et exigé que soient recomptés les bulletins d'environ 5.100 procès-verbaux (30% du total), qu'il estime falsifiés.

Les observateurs internationaux semblent se ranger, à demi-mot, de son côté. L'eurodéputée portugaise Marisa Matias, coordinatrice de la mission de l'Union européenne, a appelé le TSE à la prudence: "S'il vous plaît, ne proclamez pas de vainqueur, le processus n'est pas terminé".
L'Organisation des Etats américains (OEA) est allée plus loin encore: "La marge étroite des résultats, ainsi que les irrégularités, les erreurs et les problèmes systémiques qui ont entouré cette élection ne permettent pas à cette mission d'avoir des certitudes sur les résultats", a déclaré l'ex-président bolivien Jorge Quiroga, chef de la mission de l'OEA.

Dans les rues du Honduras, le couvre-feu - décrété pour 10 jours vendredi après des manifestations violentes et des pillages de commerces - a généré un chaos automobile et forcés les habitants à faire la queue devant les magasins pour s'approvisionner avant qu'ils ferment. Selon le journal local El Heraldo, plus de 1.300 personnes ont déjà été arrêtées pour ne pas l'avoir respecté.

- Rébellion de la police -

Mais l'état d'urgence n'empêche pas la violence, dans ce pays pauvre miné par les gangs criminels: dimanche soir dans le département d'Olancho (est), quand deux policiers ont abordé deux habitants circulant en voiture malgré l'interdiction, ces derniers les ont abattus, a rapporté la police. Et au moins une jeune femme a été tuée au cours des manifestations d'opposants. Les médias locaux évoquent au total sept morts et une vingtaine de blessés.

Lundi soir, des centaines de membres des "Cobras", les unités de la police anti-émeute, sont sortis de leurs casernes, situées dans le nord de Tegucigalpa, pour signifier leur refus de faire appliquer le couvre-feu et réprimer les manifestants. Des centaines d'habitants du voisinage ont accouru pour les applaudir, certains arborant des pancartes avec l'inscription "J'aime la police".

"La vérité, c'est que nous ne voulons plus nous battre contre le peuple", a déclaré à l'AFP un des policiers, le visage recouvert d'un passe-montagne.
A l'heure de l'entrée en vigueur du couvre-feu, d'autres unités de la police sont arrivées à la caserne des "Cobras" pour leur apporter leur soutien, formant un cortège de motos et de véhicules de patrouille. "Ce que nous exigeons, c'est que la paix s'installe, que ce problème soit résolu et qu'il n'y ait plus de mort, plus de sang", a ajouté le policier à l'AFP, faisant allusion aux affrontements post-électoraux.

Les autorités ont affirmé de leur côté que les policiers manifestaient en réalité pour des questions salariales. Avant même sa tenue, le scrutin était contesté, en raison de la candidature du président sortant. La Constitution interdit deux mandats consécutifs, mais M. Hernandez s'est appuyé sur une décision favorable de la Cour suprême, ses détracteurs l'accusant d'avoir pris le contrôle de cette institution.

AFP

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