Notre-Dame-des-Landes

Les opposants historiques entre espoir et scepticisme

  • Publié le 10 janvier 2018 à 16:08
  • Actualisé le 10 janvier 2018 à 16:15

Ils se battent contre la construction d'un aéroport depuis plus de 40 ans pour certains. Les opposants historiques de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) hésitent entre espoir et scepticisme, échaudés par les nombreux rebondissements de ce dossier controversé.


- Julien Durand, 71 ans, exploitant agricole à la retraite -
Père de quatre filles, cet ancien de la Confédération paysanne a été de toutes les luttes. Et milite, depuis sa retraite en 2006, "à temps complet" contre le projet d'aéroport.
Fils de paysans, il a participé à la fondation de l'Adeca, "Association de Défense des Exploitants Concernés par l'Aéroport" en 1973, juste avant la création de la zone d'aménagement différée (ZAD) créée par arrêté préfectoral l'année suivante.
"A l'époque, le combat, c'était pour que les terrains ne tombent pas en friches. Il a fallu se bagarrer pour que les jeunes agriculteurs puissent s'installer. Le pari a été tenu", se souvient-il.
Julien Durand a alors 25 ans et participe aux rassemblements contre l'extension d'un camp militaire sur le plateau du Larzac. Sur les routes du bocage nantais, il écrit avec ses compagnons de lutte : "Larzac, Notre-Dame, même combat".
"On a appris beaucoup de choses de la lutte du Larzac", dit-il. Béret sur la tête, yeux rieurs, il rêve, en cas d'abandon du projet, d'une gestion collective des terres préemptées à l'image de ce qui existe sur le plateau du massif central.
"Pour l?État, c'est le meilleur moyens de ne pas avoir d'emmerdes", lâche-t-il.

- Sylvain Fresneau, 55 ans, agriculteur -
Né à Notre-Dame-des-Landes, il appartient à la cinquième génération des Fresneau installés dans "le bassin laitier du département".
"Le premier, c'était un métayer qui est venu pour défricher la terre. Mes aïeux ont défriché et les générations suivantes ont exploité", dit-il.
Le projet d'aéroport est comme une épée de Damoclès dont il en entend parler depuis qu'il est tout petit. "Papa disait: +je ne sais pas si je vais aller jusqu'à la retraite, c'est pas sûr+", raconte ce moustachu en bleu de travail, dans la pièce d'un hangar aux murs couverts d'affiches anti-aéroport.
"On a passé notre carrière à se battre contre le projet, ça nous a bloqués, on est passé à côté de beaucoup de choses. Il fallait se battre avec la préfecture pour construire le moindre bâtiment", affirme-t-il.
Exproprié, il a refusé de toucher le chèque d'indemnisation. Et alors que son fils Justin, 24 ans, est prêt à reprendre l'exploitation et ses 80 vaches laitières, il dit ne pas vouloir "transmettre ce combat à la génération suivante. Il y a assez de soucis en agriculture."
Plutôt satisfait du rapport des médiateurs nommés par le gouvernement, qui montre selon lui que le projet de NDDL est "bâti sur un mensonge", il "reste très vigilant": "on a eu assez de revers de médaille comme ça", dit-il.

- Marcel Thébault, 59 ans, ouvrier agricole -
Ancien conseiller agricole, il s'est installé en 1999 au hameau du Liminbout, avec sa femme Sylvie, 52 ans, exploitante agricole.
L'aéroport, "c'était alors un projet en sommeil. Il paraissait tellement surréaliste, insensé, que personne n'y croyait vraiment. On a décidé de prendre le risque, on le savait. Mais il semblait faible", raconte-t-il.
Un an après leur installation, le gouvernement Jospin relance le projet...
"Au départ, le village n'était pas dans la ZAD, on avait que 13 hectares de l'exploitation impactés. Puis ils ont fait modifier le périmètre de la ZAD et il y en a 25 hectares maintenant", dit ce père de deux enfants "qui ne seront pas agriculteurs".
Depuis le 26 mars 2016, les Thébault sont considérés comme "occupants sans droit ni titre" de leur maison. Et ont refusé eux aussi de toucher le chèque d'indemnisation.
"Techniquement, le rapport des médiateurs nous donne vraiment raison, en disant que l'aéroport Nantes-Atlantique peut être réaménagé", dit-il. "On n'a jamais été en aussi bonne posture", ajoute-t-il sans trop y croire.

AFP

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