Santé

Les hôpitaux publics marseillais au bord du gouffre

  • Publié le 23 janvier 2018 à 13:15
  • Actualisé le 23 janvier 2018 à 14:04

L'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), parmi les établissements les plus endettés de France, mise sur "un plan de modernisation" co-financé par l'Etat pour sortir de l'ornière au prix, selon les syndicats, de nouvelles suppressions de personnels.


"Quels services vont fermer ? Combien de lits et de postes vont être supprimés ? On veut savoir", interpellent un matin de janvier une poignée de soignants rassemblée sous la bannière CGT à la sortie d'une réunion entre le directeur général de l'AP-HM et les cadres de l'hôpital Nord. Depuis près de deux mois, la tension règne entre la direction et les syndicats qui multiplient les appels à la grève pour dénoncer "l'épuisement" des agents confrontés à des "sous-effectifs chroniques, au manque de matériel et à une logistique défaillante".

Une situation qu'ils craignent de voir s'aggraver avec le projet de modernisation de 300 millions d'euros, présenté au Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (Copermo) et censé relancer le troisième CHU de France. La direction espère un financement à 50% par l'Etat. "On ne prête de l'argent qu'aux bons élèves.

Le gouvernement ne voudra pas s'engager si on ne montre pas une situation plus assainie alors qu'elle est pour l'instant catastrophique", s'inquiète Audrey Jolibois, secrétaire FO, après l'évocation dans la presse locale de la suppression de 800 à 1.000 postes à l'hôpital de La Timone, dont 300 à 400 parmi le personnel soignant. Des chiffres que refuse de confirmer la direction qui reconnaît que l'assainissement des comptes passera notamment pour le premier employeur de la région par une "maîtrise de la masse salariale".

L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) vient de révéler dans un rapport que le plan de redressement mis en place en 2015 prévoyait d'ores et déjà la suppression de 1.000 emplois non-médicaux. "Pour nous, c'est crucial. On a vraiment, vraiment besoin de ce projet de modernisation pour retrouver une situation saine", souligne un représentant de la direction, sous couvert d'anonymat, en attendant fébrilement de savoir si le 31 janvier le dossier sera déclaré éligible.

- Concurrence des cliniques -

Avec une dette d'un milliard d'euros à peine inférieure à son budget de 1,3 milliard d'euros et un déficit cumulé de 550 millions d'euros, l'AP-HM réparti sur quatre sites fait figure de cancre et paie au prix fort ses erreurs passées. Les emprunts massifs (1,4 milliard d'euros) contractés dans le cadre du plan "Hôpital 2007", lancé par le ministre de la Santé Jean-François Mattei en 2002 afin d'inciter les hôpitaux à se moderniser, ont poussé les comptes des hôpitaux marseillais dans les abysses.

De même que le passage au financement à l'acte, en 2005, en remplacement d'un budget global, l'AP-HM étant auparavant "très bien dotée", selon le représentant de la direction. "L'hôpital a pas moins de 64 emprunts différents dont certains, toxiques, ont été basés sur le yen, le franc suisse ou le dollar et leur renégociation nous a couté très cher", fustige Sophie Papachristou, secrétaire Sud Santé Sociaux.

"Sans compter le clientélisme local qui a conduit à des embauches de personnes aux mauvais endroits pour faire plaisir", poursuit la représentante syndicale, reprenant un rapport au vitriol de l'Igas d'octobre 2014. Il fustigeait un "système clientéliste" ayant mené pendant de "nombreuses années" à l'embauche de personnel "non-qualifié" sur "recommandations d'élus". L'année suivante, la direction de l'AP-HM avait également été épinglée par l'organe de contrôle pour sa gestion "dispendieuse" et "archaïque" entre 2012 et 2014.

L'Igas critiquait aussi un "absentéisme anormalement élevé". Autre particularité locale, la concurrence d'un très grand nombre d'établissements privés dans la région Paca, en particulier sur les soins programmés considérés comme les plus rentables. Les Urgences et les soins de "sur-spécialités" (transplantations...), moins rémunérateurs, sont à l'inverse majoritairement assurés par l'hôpital public qui doit aussi faire face à la précarité sociale particulièrement importante autour des quartiers de l'Hôpital Nord, relève la direction.

AFP

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