En plein scandale Oxfam

Médecins sans frontières révèle 24 cas de harcèlement ou d'abus sexuel

  • Publié le 14 février 2018 à 22:57
  • Actualisé le 15 février 2018 à 00:35

L'onde de choc continue dans le secteur humanitaire, ébranlé par des accusations de viols visant des salariés de l'ONG Oxfam: Médecins sans frontières a révélé mercredi avoir été confronté à 24 cas de harcèlement ou d'abus sexuels en 2017.


Sur 146 signalements reçus par la direction de l'organisation internationale, "40 cas ont été identifiés comme des cas d'abus ou de harcèlement au terme d'une investigation interne. Sur ces 40 cas, 24 étaient des cas de harcèlement ou d'abus sexuel", a-t-elle annoncé dans un communiqué.
Sur ces 24 cas avérés, 19 personnes ont été licenciées, a ajouté l'ONG, qui compte 40.000 employés permanents dans le monde. "Ces cas impliquent des comportements abusifs entre des employés de MSF, ainsi que deux cas d'abus sur des patients ou des accompagnants", a précisé à l'AFP Françoise Bouchet Saulnier, directrice juridique chez MSF.
Des plaintes ont été déposées devant la justice dans plusieurs pays mais aucune en France, la loi prévoyant que les procédures soient ouvertes dans les pays où les faits ont eu lieu.
Le nombre de cas pourrait être plus important, car les 24 dévoilés mercredi n'incluent pas "les cas directement gérés par les équipes sur le terrain et non signalés au siège" opérationnel à Paris, selon MSF, qui est présente dans 71 pays et notamment en Irak, au Yémen, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud.
"Bien que les signalements d'abus soient en augmentation régulière", l'organisation s'est dit "consciente que les abus en son sein sont sous-rapportés".
MSF a décidé de dévoiler ces chiffres au moment où le secteur humanitaire est ébranlé par des révélations sur la puissante ONG britannique Oxfam.
Plusieurs employés de cette confédération d'une vingtaine d'organisations présentes dans plus de 90 pays sont accusés de viols au cours de missions humanitaires au Soudan du Sud, d'abus sexuels au Liberia et d'avoir, entre autres, fait appel à des prostituées en Haïti, ainsi qu'au Tchad.
Prise dans la tourmente, la directrice générale adjointe d'Oxfam Penny Lawrence a démissionné lundi.
"C'est scandaleux. C'est détourner nos missions, les salir. Et c'est d'autant moins acceptable quand on est censé ?uvrer pour le respect des droits de l'Homme", a déclaré Joël Weiler, directeur général de Médecins du monde (MDM), interrogé par l'AFP. Mais il n'existe pas de "culture d'abus sexuels" dans l'humanitaire, a-t-il assuré, appelant à ne "pas mettre tout le monde dans le même panier".

- 'Déstructurés' -

"Il y a dans le milieu de l'humanitaire une vie sexuelle qui est plus déstructurée car dans des environnements plus déstructurés", les travailleurs humanitaires intervenant en zones de conflit, d'épidémie ou de catastrophe naturelle, a expliqué Françoise Bouchet Saulnier.
S'il n'y a pas de "culture" d'abus sexuels, "il existe une espèce d'impunité et une loi du silence", selon l'ancienne magistrate.
Avant Oxfam, le monde de l'humanitaire avait déjà été touché par plusieurs scandales similaires. Des affaires impliquant des Casques bleus des Nations Unies ont notamment été dévoilées au début des années 2000 au Népal, en Centrafrique, en Haïti, en République démocratique du Congo ou encore en Côte d'Ivoire.
Ce scandale "risque de jeter un discrédit sur l'ensemble d'organisations qui reposent sur la générosité publique pour vivre", craint Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch.
Pour Oxfam, environ deux fois plus d'annulations de dons par prélèvements ont été enregistrées entre samedi et lundi (1.270 contre 600 habituellement), a indiqué un porte-parole à l'AFP. L'ONG, menacée de perdre des subventions publiques (19% de ses ressources), est financée à 56% par des dons collectés auprès du public.
Face à ces dérives, la plupart des ONG interrogées comptent rappeler les "bonnes pratiques" à leurs salariés.
"Nous devons être en mesure d'apporter des réponses appropriées en cas de signalement et mettre fin à l'impunité", estime Sylvie Brigot Vilain, directrice d'Amnesty International France.
Pour l'organisation Don en confiance, qui observe les bonnes pratiques des ONG et associations pour assurer la confiance des donateurs, les ONG doivent mettre en place "des procédures", notamment dans le recrutement, pour empêcher ce genre de problème.

2018 AFP

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