"C'est très simple"

L'évasion fiscale expliquée au procès Cahuzac

  • Publié le 19 février 2018 à 21:51
  • Actualisé le 19 février 2018 à 22:12

"C'est très simple": au procès en appel de l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, l'auteur de l'audacieux montage ayant permis le transfert des avoirs cachés en Suisse vers Singapour a décrit lundi des opérations "pas compliquées".


En 2016, le tribunal correctionnel de Paris a qualifié l'ex-avocat genevois Philippe Houman de "cheville ouvrière" de l'évasion fiscale et l'a condamné à un an de prison avec sursis et à l'amende maximale de 375.000 euros.
"On est parfois dans le domaine du fantasme. Je comprends que le schéma que vous avez devant les yeux laisse perplexe, mais il n'y a rien de très compliqué", assure à la barre l'homme d'affaires basé à Dubaï, qui réfute toute volonté de "dissimulation" et revendique un rôle "ponctuel".
Cinq ans après le plus retentissant scandale du quinquennat de François Hollande, l'ancien avocat se retrouve seul face aux juges avec Jérôme Cahuzac, qui a fait appel de sa condamnation à trois ans de prison ferme pour fraude fiscale et blanchiment.
La banque genevoise Reyl, qui hébergeait le compte de Cahuzac sous le nom de code "Birdie", comme son patron François Reyl, ont eux renoncé à contester leur condamnation à l'amende maximale. En première instance, le banquier suisse avait expliqué avoir mis "la technicité" de son établissement à la disposition de l'ex-élu, venu lui demander le 20 mars 2009 de transférer ses avoirs vers Singapour.
Une version contestée par Jérôme Cahuzac, qui affirme n'avoir demandé que "la plus grande discrétion" alors qu'il était député.
C'est là qu'intervient Philippe Houman, sans jamais avoir rencontré l'ex-chirurgien. "La demande est simple: on me dit que M. Cahuzac souhaite ouvrir un compte à Singapour et on me demande si je peux constituer une société pour lui", relate l'homme d'affaires. Rien d'étonnant, les marchés asiatiques sont "en plein essor".

- 'Coquille vide' -

"Jérôme Cahuzac est resté l'ayant-droit économique" du compte, c'est-à-dire son bénéficiaire, martèle-t-il, réfutant avoir renforcé l'opacité des avoirs cachés depuis 1992 par l'ex-ministre au fisc français.
Le président Dominique Pauthe tient tout de même à rappeler ce complexe montage: dans un premier temps, en mars 2009, la banque Reyl fait basculer le compte sur une société panaméenne, Penderley Corp, qui a pour avantage de faire disparaître le nom de Cahuzac.
Dans un second temps, le 27 octobre, les avoirs (630.000 euros à ce moment-là) sont transférés vers une deuxième société créée aux Seychelles (Cerman limited group), laquelle nichera son compte à Singapour, à la banque Julius Baer.
Philippe Houman, mandaté par Rey Singapour, filiale tout juste créée, sera administrateur de Cerman via une de ses sociétés basée aux Samoa et donnera un mandat de gestion à Reyl: en bref, rien ne change pour Birdie, à qui il suffit de passer un coup de fil en Suisse pour disposer d'espèces à Paris.
- "Vous êtes l'incarnation de ce montage", attaque le président.
- "Une société est une société, riposte l'ancien avocat. Elle peut devenir une société-écran si on se sert de cette société pour cacher quelque chose ou quelqu'un. A aucun moment Cerman n'a cherché à cacher qui que ce soit".
- "Mais c'est une coquille vide".
- "Il y a partout dans le monde des sociétés qui n'ont pas de bureau, pas d'employés et qui ont une activité. Cerman c'est exactement ça, la même absence de substance", justifie l'expert.
Dans tous les cas, pour l'ex-avocat, si l'objectif de Reyl "était de rassurer Cahuzac en lui disant qu'il serait planqué à Singapour, cela n'a aucun sens, c'est un leurre", car, explique-t-il, la place asiatique était alors, comme la Suisse, engagée sur la voie d'une plus grande transparence bancaire. Même si, fin 2012, "l'évasion fiscale pure" n'est pas illégale dans ce petit paradis.
Le réquisitoire est attendu mardi.

2018 AFP

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