Yémen

Le port de Hodeida asphyxié par un blocus de facto

  • Publié le 25 mars 2018 à 14:19
  • Actualisé le 25 mars 2018 à 14:30

Le port de Hodeida au Yémen, sous contrôle rebelle, ressemble à une friche, alors que la coalition dirigée par Ryad a affirmé il y a trois mois avoir levé le blocus de ce terminal important pour un pays dépendant des importations.

Alors que le Yémen, ravagé par une guerre meurtrière qui entre lundi dans sa quatrième année, s'enfonce dans la "pire crise humanitaire au monde" selon l'ONU, des organisations internationales et des responsables de ce port de l'ouest du pays multiplient les mises en garde.

Depuis le 26 mars 2015, une coalition militaire sous commandement saoudien intervient au Yémen en soutien aux forces du gouvernement internationalement reconnu, afin de contrer des rebelles Houthis qui contrôlent notamment la capitale Sanaa. Le conflit a fait quelque 10.000 morts et 53.000 blessés, dont de nombreux civils.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a affirmé le 15 mars que la forte dégradation des conditions de vie avait un impact "dévastateur" au Yémen où 22,2 millions de civils ont besoin d'être aidés, alors que certaines régions sont au bord de la famine.
En février, les importations alimentaires répondaient seulement à la moitié des besoins de la population, selon l'agence de l'ONU chargée des affaires humanitaires.

Ce taux est "le plus bas" depuis que l'ONU a commencé à inspecter les cargos en mai 2016.
La coalition accuse les Houthis d'utiliser Hodeida pour faire entrer clandestinement des armes venues d'Iran et impose des inspections aux cargaisons à destination de ce port, le plus grand du Yémen.
L'AFP a sollicité auprès des responsables du port la permission de s'y rendre, en vain jusqu'ici.
 

- Grues détruites -

Hodeida est un canal vital pour atteindre les régions affectées par la guerre.
Ce port devrait pouvoir "subvenir aux besoins de plus de 20 millions de Yéménites et accueillir 70% des importations du pays", affirme à l'AFP Suze van Meegan de l'ONG Norwegian Refugee Council (NRC).
"Au lieu de ça, il ressemble à une friche" industrielle, soutient Mme van Meegan qui s'est rendue sur place en février.
"Ce qui est le plus frappant, ce sont les cinq grues détruites", bombardées par la coalition au début de son intervention, dit-elle.
Le fait que les grues soient hors service limite le trafic dans le port et la zone de stockage des conteneurs est en grande partie vide, affirme Mme van Meegan.

Quelque 5.000 journaliers ont été remerciés depuis le bombardement des grues, selon les responsables du port.
Washington a fourni en janvier quatre grues mobiles mais, selon Mme van Meegan, elles ne "permettent de décharger que de très petites quantités".
Or "si un port perd sa capacité à faire fonctionner les grues (traditionnelles), il met à l'arrêt ou au ralenti ses opérations (de déchargement) des cargos", explique Robert Foley, second du capitaine qui a travaillé sur de nombreux porte-conteneurs.

- 'Entièrement ouvert' -

Mais le principal obstacle au bon fonctionnement de Hodeida se trouve en fait au large, selon les autorités portuaires.
"Ce sont les bâtiments de guerre de la coalition", explique à l'AFP le directeur du port, Daoud Fadel. "C'est la seule autorité qui a le pouvoir de donner ou non la permission (d'accoster) aux navires".
En novembre, la coalition a resserré son blocus maritime du Yémen après le tir par les rebelles d'un missile balistique qui visait l'aéroport de Ryad.

Ce blocus a été assoupli en décembre sous la pression internationale pour une période de 30 jours, reconduite pour 30 jours supplémentaires, mais cette mesure a expiré le 18 février et un certain flou demeure.
Le colonel Turki al-Maliki, porte-parole de la coalition, assure à l'AFP que le port est "entièrement ouvert" et que des mécanismes d'inspection, en coordination avec l'ONU, sont en place dans des ports comme Dubaï et Salalah (Oman).
"La coalition coopère étroitement avec les Nations unies pour assurer un environnement sécurisé et réglementé au trafic maritime commercial et humanitaire", ajoute l'officier saoudien.

Le 15 mars, six navires attendaient le feu vert de la coalition, neuf l'avaient reçu et quatre déchargeaient à Hodeida, selon l'ONU.
"Les bateaux sont autorisés à accoster et à décharger, mais le processus est lent et compliqué avec les autorités saoudiennes", souligne Mme van Meegan du NRC.

En février, seulement 24% des besoins en carburant au Yémen ont été pourvus et 51% des besoins en nourriture.
Et comme des cargaisons insuffisantes entrent dans le port, les prix continuent de grimper.
"Quelle qu'en soit la raison, l'essence et les aliments dont le Yémen a besoin n'entrent pas par Hodeida et c'est probablement la conséquences d'actes volontaires", affirme Mme van Meegan.
"On ne peut pas dire que le blocus est toujours en place, mais il y a un blocus de facto".

AFP

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