Balles trafiquées

Scandale du cricket australien: un sport de gentlemen, vraiment ?

  • Publié le 28 mars 2018 à 14:19
  • Actualisé le 28 mars 2018 à 15:19

Un scandale de balle trafiquée n'en finit pas d'ébranler le monde du cricket et l'Australie, où les fans bouleversés, les légendes du sport et jusqu'au Premier ministre réclament le retour à l'esprit fair-play dévoyé par la culture de la victoire à tout prix.


L'incident de la "honte" qui a traîné dans la boue la réputation du cricket australien, sport qui se joue avec des balles, des battes et des guichets, est survenu samedi au Cap pendant le troisième test match contre l'Afrique du Sud. Pour prix de la disgrâce, le capitaine de l'équipe nationale Steve Smith, le vice-capitaine David Warner et Cameron Bancroft, le joueur surpris par les caméras en train de trafiquer la balle, ont été renvoyés chez eux par Cricket Australia (CA), l'autorité du sport.

D'après le groupe de médias australien ABC, Smith et Warner ont en outre été interdits pendant un an de jouer pour l'Australie. La Premier League indienne, où ils évoluent aussi, a annoncé pour sa part qu'ils seraient privés de la prochaine saison. Bancroft s'est servi d'un morceau d'adhésif jaune recouvert de particules récoltées sur le terrain pour gratter illégalement un côté de la balle, de façon à en modifier la trajectoire et rendre le travail du batteur adverse plus difficile. Lorsqu'il fut pris sur le fait, Bancroft tenta assez comiquement de cacher l'objet du délit en le fourrant dans son pantalon.

Les "Lois du cricket", le livre qui renferme le règlement du sport, font grand cas dans leur préambule de l'esprit sportif, appelant les adeptes à ne rien lâcher mais à faire preuve de fair-play.

- "J'espère qu'il se mettra à pleurer" -

"Le cricket doit beaucoup de son attrait au fait qu'il doit se jouer non seulement conformément aux lois mais aussi à l'esprit du cricket", peut-on y lire.
L'entraîneur australien Darren Lehmann a survécu pour l'heure au scandale, CA considérant qu'il n'avait pas eu une connaissance préalable du complot. Quand il prit les rênes de l'équipe en 2013 avec l'aura d'un sauveur, il avait répondu, comme on lui demandait ses trois priorités: "gagner, gagner, gagner".

Des fans avaient cependant ressenti de la gêne face à certains comportements, comme quand Lehmann avait déclaré à l'intention du lanceur anglais Stuart Broad: "J'espère que le public australien lui en mettra plein la gueule pendant tout l'été et j'espère qu'il se mettra à pleurer et qu'il rentrera chez lui". Ce genre de provocation était jusqu'alors inédit dans la bouche d'un entraîneur australien. Mais l'éthique du "gagner à tout prix" est désormais remise en cause.

L'autorité du cricket australien a annoncé l'ouverture d'une enquête sur la culture et le comportement des joueurs nationaux tandis que le Premier ministre Malcolm Turnbull a dénoncé "un affront choquant à l'Australie". Il faut en finir avec la pratique consistant à tourmenter verbalement l'adversaire, a-t-il dit, réclamant "des actions fortes". "C'est devenu incontrôlable."

- Trahison -

L'ancien capitaine Steve Waugh est également intervenu dans le débat après avoir été inondé de messages de fans éplorés. "L'équipe australienne a toujours cru qu'elle pouvait gagner dans n'importe quelle situation contre n'importe quel adversaire en jouant un cricket talentueux, combatif et juste". Mais "certains ont trahi notre culture", a-t-il dit sur sa page Facebook, appelant les Australiens à revisiter les fondamentaux du sport.

"L'esprit dans lequel nous jouons doit être sauvegardé pour l'avenir du sport, pour continuer d'inspirer les rêves de tous les enfants qui s'emparent d'une batte et d'une balle et pour tous les fans qui vivent pour le jeu."

Dans la longue histoire du cricket, les équipes, anglaises, pakistanaises, sud-africaines ou encore australiennes, ont parfois porté de sérieux coups de canif au contrat "fair-play". Mais l'historien spécialisé David Frith espère que le scandale du Cap constituera un tournant. "J'espère que ce sera un moment purificateur", dit-il à l'AFP. "J'ai été élevé avec la génération de joueurs qui ont subi la Seconde guerre mondiale, des gens comme (les Australiens) Ray Lindwall et Keith Miller, (l'Anglais) Alec Bedser."

"Ils ne s'amusaient pas à insulter leurs adversaires. Ils savaient que c'était un jeu, pas une question de vie ou de mort. Si la génération actuelle avait cette attitude, ils se comporteraient mieux et s'amuseraient beaucoup plus."

AFP

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