France - Justice

Soupçons de blanchiment: la mise en examen du milliardaire russe Kerimov annulée

  • Publié le 28 juin 2018 à 21:54
  • Actualisé le 29 juin 2018 à 05:52

La mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale du milliardaire russe Souleïman Kerimov, dont l'arrestation à Nice en novembre avait provoqué la colère de Moscou, a été annulée jeudi par la chambre de l'instruction de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.


Le parquet général de la Cour d'appel a cinq jours pour déposer un éventuel pourvoi et "analyse les motivations (de la décision d'annulation) pour voir quelle position prendre", a indiqué une source judiciaire. "La mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale a été annulée", a indiqué à l'AFP la défense de M. Kerimov, Mes Jacqueline Laffont, Nikita Sichov et Pierre Haik dont le client avait été mis en examen le 23 novembre dans une enquête sur l'achat de villas au Cap d'Antibes sur la Côte d'Azur à des montants sous-évalués.

Leurs arguments ont porté, non pas sur le fond du dossier, mais sur des points de droit. "On a essayé de démontrer, ce qui a manifestement convaincu la chambre de l'instruction, que les poursuites sur le fondement de qualification de blanchiment n'étaient pas recevables, car le blanchiment est une infraction de conséquence à une infraction préalable. On a dit qu'il y avait zéro fait de blanchiment", a expliqué la défense de M. Kerimov.

- Blanchiment "pas caractérisé" -

"Les faits reprochés, par ailleurs contestés, sont des faits de fraude fiscale, pas de blanchiment. En réalité, c'est pour contourner le verrou de Bercy (qui laisse à l'administration fiscale l'entier monopole des poursuites pour fraude fiscale, ndlr) que le parquet s'est saisi de poursuites pour blanchiment de fraude fiscale dont nous démontrions que celui-ci n'était pas caractérisé", a ajouté la même source.

"M. Kerimov n'étant plus mis en examen, il ne peut plus faire l'objet de contrôle judiciaire sauf pourvoi du parquet général", a précisé la défense de l'oligarque russe dont le contrôle judiciaire déjà considérablement assoupli lui permettait de séjourner régulièrement en Russie. Le sénateur russe, dont l'arrestation à sa descente d'avion à l'aéroport de Nice Côte-d'Azur le 20 novembre avait été vivement critiquée par Moscou, est l'un des hommes les plus riches de Russie avec un patrimoine estimé à 7 milliards de dollars selon Forbes (environ 6 milliards d'euros).

Originaire du Daguestan, le quinquagénaire, qui a avait échappé à la détention provisoire contre une caution de 40 millions d'euros début décembre, était soupçonné d'avoir acquis sous un prête-nom cinq villas de grand luxe au Cap d'Antibes à grand renfort d'argent liquide. L'une a été revendue depuis, les quatre autres saisies. Le montant de l'argent clandestin entré en France depuis la Russie avait alors été estimé entre 500 à 750 millions d'euros.

L'arrestation de M. Kerimov avait été suivie de près par Moscou: le chargé d'affaires français dans la capitale russe avait été convoqué après que la Douma, chambre basse du Parlement, eut voté une résolution dénonçant une violation de la convention de Vienne sur l'immunité diplomatique. "Le statut de sénateur de Souleïman Kerimov, ainsi que le fait qu'il soit citoyen de la Russie, constituent un gage que nous entreprendrons tous les efforts possibles (...) pour protéger ses intérêts juridiques", avait déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

En décembre, un autre milliardaire russe, Mikhaïl Prokhorov, et 12 autres personnalités russes, dont le réalisateur Pavel Lounguine, avaient publié une lettre ouverte demandant que leur compatriote puisse regagner Moscou pour raisons de santé. Issu d'une famille ayant fait fortune dans l'outillage professionnel avec la marque Hilti, le financier suisse Alexander Studhalter, que les enquêteurs soupçonnaient d'avoir été le prête-nom de M. Kerimov, a également obtenu l'annulation de l'ensemble des mises en examen le visant.

La justice le soupçonnait d'avoir servi de prête-nom pour l'acquisition de la somptueuse villa "Hier" déclarée à 35 millions d'euros, mais dont l'acte signé à son nom évoquait la somme de 127 millions d'euros. "Plus aucune accusation ne pèse désormais contre lui", s'est réjoui dans un communiqué Me Bruno Quentin, son avocat.

Au total, 13 personnes, dont un certain nombre de professionnels locaux de l'immobilier, ont été mises en examen dans cette vaste enquête qui avait débuté fin 2014. C'est une banale planque de la brigade des stupéfiants qui avait mis les enquêteurs sur la piste des mouvements suspects d'argent liquide. Pas moins de trois années d'enquête avaient été nécessaires pour remonter jusqu'à l'oligarque russe.

AFP

guest
0 Commentaires