France

Deux mois après son évasion, le braqueur Redoine Faïd court toujours

  • Publié le 31 août 2018 à 11:03
  • Actualisé le 31 août 2018 à 11:24

Il y a deux mois, un hélicoptère se posait dans la prison de Réau avant de s'envoler avec Redoine Faïd. L'évasion de ce braqueur multirécidiviste toujours en cavale pèse sur une administration pénitentiaire déjà sous pression.

En 2013, une première cavale de Redoine Faïd avait duré six semaines: après son évasion de la prison de Lille-Sequedin, il avait été retrouvé dans un discret hôtel à Pontault-Combault, en Seine-et-Marne, méconnaissable, avec perruque, barbe et lunettes. Cette fois, deux mois après sa nouvelle évasion, l'homme le plus recherché de France court toujours.

Le 24 juillet, l'homme de 46 ans a pourtant échappé de peu aux forces de l'ordre, dans le Val-d'Oise. Une course-poursuite avec des gendarmes s'est terminée dans le parking d'un centre commercial de Sarcelles où Redoine Faïd et son complice ont abandonné leur voiture et réussi à s'enfuir. Des fausses plaques d'immatriculation et des explosifs factices ont été découverts dans le véhicule.

Redoine Faïd, condamné en avril à 25 ans de prison pour son rôle d'"organisateur" dans un braquage raté en 2010 qui avait coûté la vie à une policière municipale, préparait-il un braquage pour financer sa cavale? Est-il toujours en Ile-de-France? Sa spectaculaire évasion le 1er juillet, avec hélicoptère, armes, disqueuse pour scier des portes, fumigènes, a en tout cas laissé des séquelles au sein de l'administration pénitentiaire.

Il y a eu une "série de dysfonctionnements" à la prison de Réau (Seine-et-Marne), une "conjonction de failles de sécurité exploitées par un commando paramilitaire", a dû reconnaître la ministre de la Justice Nicole Belloubet en présentant le rapport de l'inspection générale de la justice, fin juillet. Des filins seront donc installés au-dessus de la cour d'honneur, où s'était posé l'hélicoptère, entre autres adaptations.

- Une direction "déconnectée" du terrain -

Mais l'administration pénitentiaire elle-même a été pointée du doigt, jugée "insuffisamment réacti(ve)" par l'inspection. Le transfert de Redoine Faïd avait en vain été demandé par la Direction interrégionale d'Ile-de-France, qui avait noté une "menace sérieuse (de) passage à l'acte" de la part du détenu. "La réponse a tardé", a critiqué la ministre.

Pour Sébastien Nicolas, du syndicat FO-direction, "il y a une désertion de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) par des gens de terrain". "Les personnels qui vont à la DAP ont une expertise parfois défaillante sur des sujets sensibles", ajoute-t-il. "Des postes sont vacants, y compris dans des bureaux importants".

"La direction est parfois déconnectée des besoins du terrain. Beaucoup à l'administration centrale ne perçoivent pas suffisamment les tensions et les dangers que nous voyons sur le terrain", renchérit Damien Pellen, du Syndicat national des directeurs pénitentiaires (SNDP-CFDT).

La réorganisation de la DAP en 2015 est montrée du doigt. "Elle a flouté les compétences au niveau des sous-directions", explique Sébastien Nicolas. La chancellerie note un "morcellement des compétences en matière de gestion de la sécurité".

La ministre a demandé au directeur de l'administration pénitentiaire de travailler à une nouvelle "organisation de ses services centraux avec un pôle de sécurité plus cohérent et renforcé".

L'évasion de M. Faïd a par ailleurs lancé un été particulièrement chaud pour l'administration pénitentiaire, avec de nouveaux suicides à la prison de Fleury-Mérogis, l'agression au couteau d'un surveillant à Nîmes, deux autres évasions à Colmar (deux frères rattrapés le lendemain). Et une surpopulation carcérale record (70.710 détenus au 1er juillet pour 59.700 places).

"En se mobilisant en janvier (plus important mouvement de protestation depuis 25 ans, ndlr), les surveillants voulaient montrer le mal-être qui existe au sein de l'administration pénitentiaire. Les problématiques sont toujours les mêmes et ça continue de s'aggraver", déplore Christopher Dorangeville (CGT Pénitentiaire).
"Deux mois après l'évasion de Faïd, on a l'impression que la ministre ne veut pas s'attarder sur le sujet. Mais s'il tue quelqu'un dehors, l'administration pénitentiaire sera responsable", juge Yoan Karar (FO Pénitentiaire). "Nous, on veut en reparler dès la rentrée".

Repoussée en juillet à cause de l'affaire Benalla, l'audition de Nicole Belloubet devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale sur l'évasion de Redoine Faïd devrait avoir lieu mi-septembre.

AFP

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