Crise en Irak

Après une nuit de feux, réunion d'urgence du Parlement samedi

  • Publié le 7 septembre 2018 à 13:49
  • Actualisé le 7 septembre 2018 à 13:54

Le Parlement irakien a annoncé vendredi qu'il se réunirait le lendemain avec des ministres au sujet de la crise sociale et sanitaire à Bassora, ville du Sud où neuf manifestants ont été tués cette semaine et des bâtiments publics incendiés.

Bassora et sa province ont connu depuis début juillet plusieurs vagues de manifestations dénonçant la corruption des politiciens et la déliquescence des services publics malgré les richesses pétrolières de la région. Le malaise social est aggravé par une crise sanitaire dans cette zone côtière méridionale où la pollution de l'eau a mené à plus de 30.000 hospitalisations.

Depuis mardi, les protestations quotidiennes émaillées d'incendies de bâtiments officiels et de sièges de partis et groupes armés ont fait neuf morts parmi les manifestants, selon Mehdi al-Tamimi, chef du Conseil provincial des droits de l'Homme. Les autorités ont décrété un couvre-feu jeudi soir après de nouveaux incidents.

Cette crise intervient à un moment de paralysie politique à Bagdad. Après de longs mois à recompter les voix des législatives de mai, le Parlement irakien n'est pas parvenu à s'accorder sur l'élection de son président lors de sa séance inaugurale lundi. Il a convenu de se réunir de nouveau le 15 septembre alors que les tractations pour former une coalition gouvernementale se poursuivent.

Il a toutefois annoncé vendredi convoquer une réunion extraordinaire au sujet de la crise à Bassora, au lendemain d'un appel du leader chiite Moqtada Sadr, vainqueur des législatives, aux députés afin qu'ils convoquent les ministres en charge pour qu'ils exposent des "solutions radicales et immédiates". Cette convocation intervient quelques heures après que trois obus se sont abattus sur l'ultra-sécurisée zone verte de Bagdad où se trouvent les institutions irakiennes, notamment le Parlement. L'attaque, un incident rare et dont les auteurs n'ont pas été identifiés, n'a fait "ni victime ni dégât", selon les autorités.

- Négligence "intentionnelle" -

Moqtada Sadr, ancien chef de milice devenu héraut des manifestations anticorruption, avait donné jusqu'à dimanche aux ministres et aux députés pour se réunir. Sinon "qu'ils quittent tous leur poste", avait-il lancé. Peu après, le Premier ministre sortant, Haider Al-Abadi, qui tente d'obtenir un second mandat en formant avec M. Sadr une coalition, s'était dit prêt à se rendre au Parlement. Moqtada Sadr, dont les partisans avaient mené un long sit-in dans la Zone verte en 2016 pour dénoncer la corruption, a par ailleurs appelé à "des manifestations de colère pacifiques à Bassora", un appel qui pourrait être suivi dans d'autres villes lors de la journée traditionnelle de mobilisation du vendredi.

Pour Mehdi al-Tamimi, chef du Conseil des droits de l'Homme à Bassora, "la rue de Bassora s'est soulevée en réponse à une politique gouvernementale intentionnelle de négligence". Exaspérés d'attendre des services publics performants et le limogeage de dirigeants qu'ils estiment corrompus, les habitants de la province pétrolière de Bassora ont repris il y a quelques jours les manifestations lancées début juillet. Elles s'étaient essoufflées après des promesses du gouvernement d'investir des millions de dollars pour améliorer le quotidien.

En comptant les neuf morts enregistrés depuis mardi, la contestation sociale qui agite sporadiquement l'Irak depuis juillet a fait 24 morts.
A Bassora, les défenseurs des droits de l'Homme accusent les forces de l'ordre d'avoir tiré à balles réelles et d'être responsables des décès, Bagdad assure avoir interdit l'usage de balles réelles et pointe du doigt des "vandales" infiltrés parmi les manifestants.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les manifestations qui se concentraient autour du siège du gouvernorat, ont gagné d'autres lieux symboliques du pouvoir comme les sièges de partis et de puissants groupes armés. "Cela fait longtemps que nous mettons les autorités en garde et le gouvernement ainsi que le Premier ministre doivent mettre fin aux souffrances des habitants de Bassora", assure M. Tamimi.

Déchiré par des années de violences depuis l'invasion américaine de 2003, l'Irak se remet d'une guerre contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Malgré l'importance des recettes pétrolières --7,7 milliards d'euros d'exportations en août--, le pays connaît un fort chômage et des pénuries d'eau et d'électricité.

 © 2018 AFP

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