Réforme

Vote décisif au Parlement européen sur la réforme du droit d'auteur

  • Publié le 12 septembre 2018 à 13:46
  • Actualisé le 12 septembre 2018 à 13:59

Les eurodéputés s'apprêtent à voter de nouveau mercredi sur la très sensible réforme du droit d'auteur, objet d'une intense bataille entre artistes et éditeurs de presse d'une part et géants du numérique et militants de la liberté sur internet d'autre part.

"Aujourd'hui se joue un combat fondamental pour le droit d'auteur: protéger la création et l'information, c'est assurer notre liberté et défendre notre modèle. L'Europe doit être à la hauteur de sa culture", a lancé le président français Emmanuel Macron sur Twitter, à quelques heures du vote au Parlement européen à Strasbourg, qui s'annonce serré.

Depuis que la Commission européenne a présenté le 14 septembre 2016 sa réforme, dont le principal objectif est de moderniser le droit d'auteur à l'ère de la révolution du numérique, les discussions ont été complexes et sujettes à un lobbying intense de toutes parts. Rejeté le 5 juillet par le Parlement, le texte, qui divise les eurodéputés au sein même de leurs groupes politiques, a été amendé dans l'espoir de dissiper les craintes des militants de la liberté sur internet.

Le président de l'hémicycle européen, l'Italien Antonio Tajani, est également monté au créneau dans un entretien mercredi au quotidien italien Corriere della Sera, appelant à mettre fin à "l'actuel Far West sans règles, qui accroît les gains des géants du web américains ou chinois". Le quotidien belge Le Soir a fait sa une mercredi sur une page à moitié blanche avec pour seul titre: "informer à un coût".

Le principe de la réforme est d'inciter les plateformes, comme YouTube, détenu par Google, à mieux rétribuer les créateurs de contenus (article 13), mais aussi de créer un nouveau "droit voisin" pour les éditeurs de presse (article 11), qui doit permettre aux journaux ou agences comme l'AFP de se faire rémunérer lors de la réutilisation en ligne de leur production.

- "Ogres numériques" -

"Cela va être un vote compliqué", a prévenu un porte-parole du Parlement. Pour preuve: plus de 250 amendements ont été déposés. Si la réforme est adoptée mercredi en plénière à Strasbourg, les eurodéputés pourront entamer des négociations avec le Conseil de l'UE (représentant les 28 États membres, déjà parvenus à un compromis le 25 mai) et la Commission européenne, afin de s'entendre sur un texte définitif.

Ces discussions à huis clos, appelées "trilogues" dans le jargon de l'UE, peuvent prendre plusieurs mois avant d'arriver à un texte commun entre les deux colégislateurs et l'exécutif européen. Et ce texte devra à nouveau être soumis au vote du Parlement. Les partisans de la réforme voudraient qu'elle soit bouclée avant les élections européennes (23-26 mai 2019), car ils craignent une montée des eurosceptiques et l'arrivée de nouveaux députés peu favorables au droit d'auteur.

En revanche, si le texte est rejeté mercredi et renvoyé en commission parlementaire, il sera de facto enterré. Jusqu'à la dernière minute, opposants et partisans de la réforme ont fait valoir leurs arguments à Strasbourg. "Les droits d'auteur ne peuvent pas faire revenir les abonnements de journaux et les revenus publicitaires", a lancé Julia Reda, eurodéputée allemande du parti Pirate affiliée au Groupe des Verts, et figure de la campagne contre la réforme.

La star haïtienne du hip-hop Wyclef Jean, membre des Fugees, qui vit aux États-Unis, a fait tout spécialement le déplacement dans la capitale alsacienne. "La meilleure chance de succès qu'ont les artistes indépendants est de partager (leurs créations). Nous devons laisser ouverte la possibilité de découvrir (des artistes). Si nous la fermons, nous allons perdre beaucoup de talents".

La réponse de l'autre camp est venue en musique avec une centaine d'auteurs, dont le chanteur britannique Murray Head. Rassemblés en fin de matinée à l'appel du collectif "Europe for Creators" devant le bâtiment du Parlement, ils ont joué l'hymne européen et lu un "appel à l'Europe" appelant à se méfier des "ogres numériques".

AFP

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