Il sert de guide touristique

Un ex-SDF à Zagreb en croisade touristique contre les préjugés

  • Publié le 1 novembre 2018 à 11:38
  • Actualisé le 1 novembre 2018 à 12:31

Alcoolique, sale et paresseux: Mile Mrvalj en a beaucoup entendu durant ses plus de trois ans de sans domicile fixe à Zagreb. Pour vaincre les idées reçues, il organise des visites guidées de la capitale croate. Le point de rendez-vous, c'est le parc du roi Tomislav, grouillant de touristes, de jeunes couples et d'enfants, d'où Mrvalj entame sa tournée qui dure environ une heure et demie. Aucun SDF n'oserait se reposer dans ce parc en plein jour, explique-t-il. "S'ils dormaient sur la pelouse, la police leur collerait une contravention", dit Mrvalj.


C'est là que cet homme de 58 ans, ancien galeriste d'art rattrapé par le surendettement, entame sa visite du "Zagreb invisible". Une réalité noire, très éloignée des façades élégantes et des places majestueuses de cette ville au charme hérité de l'ère austro-hongroise.
Selon des estimations d'organisations non-gouvernementales, la Croatie compte quelque 2.000 SDF, dont la plupart à Zagreb.
"Vous allez découvrir la face douloureuse de Zagreb", prévient Mile Mrvalj, s'adressant à une vingtaine de lycéens accompagnés de leur maîtresse de classe.

- Précieuse machine à café -

La gare, dit-il, est un point central pour les SDF qui errent dans la ville. C'est là qu'ils viennent s'abriter du froid, dans les entrepôts désaffectés jouxtant le bâtiment en ruines, en jouant à cache cache avec la police qui vient les déloger épisodiquement. Il montre aussi la machine à café sur laquelle il s'est souvent rué, si précieuse "après un réveil dans un froid glacial".
Enchaînant les cigarettes, barbe blanche et queue de cheval Mile Mrvalj raconte aussi "la terrifiante facilité avec laquelle on peut devenir SDF". Sa descente aux enfers a commencé quand sa galerie d'art de Sarajevo a fait faillite en 2009.
Il perd son logement, hypothéqué sur la galerie, son couple explose, ses amis se détournent de lui. "Si quelqu'un m'avait dit il y a dix ans que je serais un SDF, je lui aurais rétorqué qu'il est fou", confie-t-il à l'AFP.

- Remontée de la pente -

La remontée de la pente débute il y a quatre ans. Il réussi à obtenir une carte d'identité croate lui ouvrant les portes d'une assistance sociale et médicale et qui lui permet de louer une chambre pour y vivre.

Depuis, Mrvalj a mis en place une association d'assistance aux SDF, au nom symbolique de "Fajter" (Combattant, ndlr).
Avec le soutien d'une agence spécialisée dans les projets sociaux, "Brodoto", et grâce à des contributions, Mrvalj fait, cinq fois par semaine, découvrir l'univers des SDF à Zagreb, ville de 800.000 habitants.
"Notre but est de sensibiliser l'opinion à un problème croissant (...) mais aussi de lutter contre les préjugés", confie Mrvalj.
"Avant tout celui selon lequel les SDF sont les seuls responsables de leur destin ou bien qu'ils sont tout simplement des alcooliques oisifs", dit-il.
"Un jour tu es invité à des mariages, des anniversaires et subitement plus personne ne veut de toi", lâche Mrvalj.
Puis tu passes dix heures au quotidien à fouiller dans les ordures pour survivre, dit-il. "Ca puait terriblement. Souvent les gens me lançaient: va-t-en tu pues, va donc prendre une douche", avoue-t-il.

Mais avec les tournées, "les gens se rendent compte qu'ils ignorent beaucoup de choses au quotidien", note Branimir Radakovic, patron de "Brodoto".
Petra Stunja, 16 ans, a, sous l'impulsion de Mrvalj, changé d'avis sur les SDF. "Cela peut arriver à tout le monde sans qu'ils s'y attendent", dit-elle.
 - © 2018 AFP

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