Pédophilie dans l'Église

Pédophilie: le silence d'un évêque sanctionné à Orléans

  • Publié le 22 novembre 2018 à 20:42
  • Actualisé le 22 novembre 2018 à 20:45

Fait rarissime, un prélat est sanctionné pour son silence: l'ancien évêque d'Orléans André Fort a été condamné jeudi à une peine de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les agressions pédophiles d'un prêtre de son diocèse, qui s'est vu infliger deux ans de prison ferme.


Les deux religieux devraient échapper à la prison.

L'abbé Pierre de Castelet, 69 ans, a été condamné pour agressions sexuelles sur mineurs à trois ans de prison, dont un an avec sursis, une peine aménageable. Et le tribunal correctionnel d'Orléans a condamné Mgr Fort, 83 ans, à huit mois de prison avec sursis. Le seul précédent en France d'un évêque jugé pour non dénonciation d'actes pédophiles remonte à 2001: Mgr Pierre Pican, évêque émérite de Bayeux, avait été condamné à trois mois d'emprisonnement avec sursis. En prononçant une peine intégralement assortie du sursis à l'encontre de Mgr Fort, le tribunal n'a pas suivi les réquisitions du procureur d'Orléans Nicolas Bessone qui avait réclamé un an de prison ferme avec mandat d'arrêt . "Ce jugement doit être un électrochoc", avait enjoint le magistrat, lors du procès le 30 octobre, en l'absence de l'ex-évêque. La décision du tribunal a néanmoins satisfait Olivier Savignac, la victime qui a révélé l'affaire. "On a été entendu. Justice est faite... Je suis heureux de mon pays", a-t-il réagi. "Cette décision montre que les victimes seront désormais écoutées. Nous avons tous l'obligation légale de dénoncer des faits semblables", a abondé Edmond-Claude Frety, avocat des trois parties civiles. Ce jugement intervient au moment où l'Eglise, secouée par les révélations sur des actes pédophiles, vient de décider la création d'une commission indépendante pour "faire la lumière" sur les abus sexuels sur mineurs dans l?Église depuis 1950. Evêque d'Orléans de 2002 à 2010, Mgr Fort n'avait pas informé la justice lorsqu'Olivier Savignac lui avait adressé en 2008 une lettre relatant les attouchements qu'il avait subis en 1993 lors d'un camp dans le sud-ouest de la France du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) où officiait l'abbé de Castelet en tant qu'aumônier.

"Mon enfance s'est arrêtée"

Le prélat s'était contenté de limiter les contacts entre le prêtre et les jeunes. Sans réponse de l'évêché, M. Savignac avait ensuite rencontré Mgr Fort en 2010 en lui précisant qu'une dizaine de jeunes avaient pu être victimes de l'aumônier. Il avait saisi à nouveau l'évêché quand Mgr Jacques Blaquart avait pris la succession de Mgr Fort, parti à la retraite. Le nouvel évêque avait aussitôt saisi le parquet et une instruction avait été ouverte. L'abbé Castelet a été mis en examen en 2012 pour agressions sexuelles et Mgr Fort en 2017 pour ne pas avoir dénoncé ces actes. Lors de l'audience, le prêtre s'était efforcé à la barre de convaincre le tribunal qu'il s'était agi durant cet été 1993 d'un "phénomène isolé", d'un "dérapage".
Il avait reconnu avoir procédé à de "faux examens médicaux", en se faisant passer pour infirmier ou médecin, auprès de jeunes garçons convoqués pour une visite médicale peu après leur arrivée dans le camp de vacances qu'il dirigeait. "Cette affaire a eu un impact immédiat. Mon enfance s'est arrêtée", avait déclaré à l'audience M. Savignac, aujourd'hui père de famille, regrettant que l'abbé Castelet n'ait pas eu un mot pour les victimes. Ce qui s'est passé, c'était un "abus spirituel", a-t-il estimé, soulignant avoir depuis "toujours gardé une méfiance vis-à-vis de l'Eglise".
L'avocat de Mgr Fort, Benoit de Gaullier, a dit jeudi ne pas savoir s'il y aurait un appel, n'ayant pu en parler avec son client, qui n'était pas présent à la lecture du jugement. "Mgr Fort est le bouc émissaire, on a jugé un lampiste", a estimé de son côté Alain Hugon, membre du comité de soutien de l'ancien évêque. Du 7 au 9 janvier, l'archevêque de Lyon Philippe Barbarin comparaitra à son tour devant le tribunal correctionnel avec d'autres responsables religieux pour non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs.

© 2018 AFP

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