Royaume-Uni

A Hastings, les déchirements des Tories sur le Brexit inquiètent leurs électeurs

  • Publié le 15 décembre 2018 à 13:51
  • Actualisé le 15 décembre 2018 à 16:44

La querelle passionnelle du Brexit qui déchire les Tories va bien au-delà du Parlement: elle divise aussi leurs militants voire même les couples conservateurs, comme à Hastings, sur la côte sud de l'Angleterre.

Cette ville d'environ 90.000 habitants célèbre pour la bataille de 1066 qui a marqué le début de la conquête normande, est typique de l'Angleterre provinciale et a voté à 55% pour le Brexit au référendum de juin 2016.

Dans la principale rue commerçante, Jean Nash, 77 ans, est "ravie" que la Première ministre Theresa May ait survécu mercredi à un vote de défiance initié par des députés de son propre parti, hostiles à l'accord de Brexit qu'elle a négocié avec l'Union européenne. "Je suis ravie qu'elle soit toujours en place" et "je crois toujours qu'on va sortir" de l'UE, dit Jean.
Mais son mari Tom, 77 ans, est lui du côté des plus fervents Brexiters. Pour lui, Theresa May "n'a pas été assez forte face à l'UE". "Elle ne suit pas la volonté des gens", lui reproche-t-il, la voix couverte par le cri des mouettes.
L'Europe divise les conservateurs britanniques depuis la fin des années 1980.
La politique européenne a provoqué la chute de Margaret Thatcher en 1990, après onze ans à Downing Street, et conduit son successeur John Major à la défaite électorale en 1997. Dans un accès de rage, ce dernier avait qualifié de "connards" les eurosceptiques qui complotaient contre lui.

Tentant de faire taire une bonne fois pour toutes les eurosceptiques, le Premier ministre David Cameron avait promis en 2013 un référendum, tablant sur une victoire facile.
Mais la campagne a divisé cette fois également le pays, créant un fossé solidifié par deux ans de difficiles négociations entre Londres et Bruxelles.

"Rats dans un sac"

"Les conservateurs se battent comme des rats dans un sac" sur l'Europe, relève Pippa Caterall, professeure d'histoire et de politique à l'université de Westminster. "Ils ont consacré tellement de temps et d'efforts à penser à quitter l'UE qu'ils en ont perdu de vue la dimension politique", explique-t-elle à l'AFP.
Les Brexiters craignent à présent de voir leur rêve partir en fumée.

"J'en ai marre qu'ils traînent des pieds", peste Caron Hart, 59 ans, qui espérait la chute de Theresa May. "C'est clair qu'ils essaient de sortir du processus du Brexit", selon lui.
Bettina Fennell, 79 ans, souhaite également le Brexit. Mais elle montre plus d'empathie pour la Première ministre, avec une pique pour ses rivaux: "C'était pareil avec Maggie Thatcher: ils n'aiment pas les femmes intelligentes qui leur disent ce qu'ils doivent faire - surtout quand elles ont raison".
Michael Edwards, conseiller conservateur et membre du parti depuis 45 ans, considère que le parti s'est habitué aux querelles sur la question européenne et peut s'unir autour de thèmes comme la défense de la liberté d'entreprendre.

"Furieux"

Il confie toutefois que certains militants étaient "furieux" que Theresa May ait survécu au vote de défiance et craignent maintenant un retrait "factice" de l'UE.
"Il y avait une chance de changer de cap, de redresser la barre vers le Brexit et d'élire un nouveau dirigeant", regrette-t-il, interrogé dans un café de Hastings orné de photos illustrant l'histoire de cette ville balnéaire.

La députée de la circonscription d'Hastings et Rye est la ministre chargée du Travail, Amber Rudd, réélue de justesse l'an dernier. Cette fidèle des fidèles de Theresa May, partisane du maintien dans l'UE, a récemment déclaré qu'elle voterait de la même façon si un autre référendum était organisé.

Les contradictions au sein du parti conservateur agacent les habitants de Hastings.
Valerie Duffell, 69 ans, ex-membre du Parti, s'avoue déçue par Theresa May et la politique britannique dans son ensemble. "Nous n'allons nulle part avec toutes ces différentes factions", avoue-t-elle.

AFP

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