Second tour de l'élection présidentielle

Madagascar élit son président dans un climat inquiet

  • Publié le 19 décembre 2018 à 08:32
  • Actualisé le 19 décembre 2018 à 09:26

Madagascar a commencé mercredi à voter pour le second tour d'une élection présidentielle au fort goût de règlement de comptes personnel entre deux de ses anciens chefs de l'État, Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina, déterminés à retrouver le pouvoir.

Dès 6h00 du matin (3h00 GMT), les premiers des quelque 10 millions d'électeurs inscrits ont accompli leur devoir civique dans la capitale Antananarivo.

"Mon choix est déjà fait mais je le garde pour moi", a déclaré à l'AFP une mère au foyer de 45 ans, Monique Norosoa, en glissant son bulletin dans l'urne dans le quartier de Ampadrana.
Les quelque 25.000 bureaux de vote du pays doivent rester ouverts jusqu'à 17h00 locales (14h00 GMT).
Le scrutin se déroule dans un climat inquiet. La rivalité féroce qui oppose les deux finalistes fait redouter de vives tensions post-électorales dans un pays habitué des crises politiques depuis son indépendance en 1960.

Lors du deuxième débat télévisé d'entre deux tours dimanche derier, Marc Ravalomanana a mis en garde contre le risque de fraude.
"Il y a de fausses cartes d'identité et de fausses cartes d'électeurs qui circulent en ce moment", a-t-il affirmé, "si le ministère de l'Intérieur ne fait rien, il va y avoir de sérieux problèmes".
"Ca ne va pas si, dès maintenant, nous nous mettons à contester les résultats d'une élection qui n'a pas encore eu lieu", lui a rétorqué, sûr de lui, Andry Rajoelina.

Rancunes

Lors du premier tour du 7 novembre, M. Rajoelina, un ancien disc-jockey de 44 ans, a pris un léger avantage en recueillant 39,23% des suffrages. Riche patron d'un groupe laitier, M. Ravalomanana, 69 ans, l'a suivi de près avec 35,35% des voix.
Le président sortant Hery Rajaonarimampianina a été sèchement remercié avec 8,82% des voix.
Débarrassés de leurs concurrents, les deux hommes ont laissé ces dernières semaines libre cours à leur rancunes personnelles, nombreuses.
Élu chef de l'État en 2002, M. Ravalomanana a été contraint à la démission sept ans plus tard par une vague de violentes manifestations ourdies par M. Rajoelina. Maire de la capitale Antananarivo, ce dernier avait alors été installé par l'armée à la tête du pays.

Les deux rivaux avaient été privés de candidature à l'élection de 2013, dans le cadre d'un accord de sortie de crise validé par la communauté internationale.

A longueur de discours, Marc Ravalomanana a dénoncé le "coup d'Etat" mené par son successeur et vanté sa propre expérience. "Je ne travaille pas pour moi ou pour m'enrichir", a-t-il lancé, "je ferai tout pour faire de Madagascar un pays développé".

Andry Rajoelina a riposté en qualifiant son adversaire de "vieillard" et en lui conseillant de "prendre sa retraite pour aller traire ses vaches". "Je serai un président du petit peuple qui protège les pauvres", a-t-il assuré.

Ces derniers jours, les deux prétendants ont quadrillé le pays dans leurs hélicoptères pour consolider leurs bastions et rallier les abstentionnistes, de loin le premier parti de la Grande île avec 45,7% au premier tour.

"Propagande"

Leur duel personnalisé à l'extrême a largement occulté les problèmes de fond du pays, l'un des plus pauvres du continent africain et le seul épargné par la guerre à s'être appauvri depuis son indépendance de la France en 1960.

Manque criant d'infrastructure, corruption, insécurité, pauvreté, Madagascar et ses 25 millions d'habitants cumulent tous les handicaps. Victime du réchauffement climatique, sa pointe sud souffre depuis des années d'une sécheresse qui met en péril sa population.
"Il n'y a pas eu de vrai débat sur les solutions à apporter à ces problèmes, juste de la propagande", déplore Hony Radaert, du Collectif des citoyens, "je doute qu'aucun des deux (candidats) ait tiré les leçons des échecs du passé".
"Nous avons assisté au choc de deux egos qui ne se voient pas perdre", redoute pour sa part Sahonda Rabenarivo, de l'Observatoire de la vie politique malgache (Sefafi). "Ils pourraient aller jusqu'à la rupture en cas de défaite, surtout si les résultats sont très serrés".

Ancien ministre de l'Education et candidat malheureux au premier tour, l'universitaire Paul Rabary résume sans détour les enjeux du scrutin.
"Pour Marc Ravalomanana, c'est une question de vie ou de mort. Son groupe (agroalimentaire) ne peut pas survivre s'il ne reprend pas le pouvoir", dit-il. "Quant à Andry Rajoelina, son histoire personnelle est salie par le coup d'Etat. Il doit gagner pour laver son honneur".

Inquiète, l'influente conférence des évêques catholiques de Madagascar a exhorté lundi les deux camps à "accueillir humblement le vrai choix du peuple".
Les premiers résultats significatifs doivent être publiés par la Commission électorale (Ceni) après Noël.

AFP

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