Viol présumé d'une Canadienne

Sept ans ferme requis contre les policiers

  • Publié le 30 janvier 2019 à 18:22
  • Actualisé le 30 janvier 2019 à 18:27

Ils se sont comportés "comme ceux qu'ils pourchassent": l'accusation a requis mercredi sept ans d'emprisonnement ferme contre deux policiers, jugés aux assises à Paris pour le viol d'une touriste canadienne au siège de la police judiciaire, en avril 2014.

"Ce soir-là, ils n'étaient pas la police mais des usurpateurs indignes de brassards et ils se sont comportés comme ceux qu'ils pourchassent. Ce soir-là, ils avaient basculé du mauvais côté", a déclaré l'avocat général Philippe Courroye. Nicolas R. et Antoine Q, deux ex-policiers de la prestigieuse BRI (Brigade de recherche et d'intervention), jugés pour le "viol en réunion" d'Emily Spanton, continuent de clamer leur innocence. Ils risquent jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle.

Après deux semaines et demi de procès, les versions des accusés et de leur accusatrice sont "totalement opposées", a souligné M. Courroye. "Mon intime conviction, c'est qu'au cours de cette nuit du 22 au 23 avril, dans les locaux de la BRI, Emily Spanton a bien été une victime non consentante d'actes sexuels", a ajouté l'avocat général. Il y a eu selon lui "des actes de pénétration par surprise et contrainte", constitutifs d'un viol. La jeune femme et les accusés s'étaient rencontrés le 22 avril 2014 dans un pub parisien lors d'une soirée très arrosée. Les images de vidéosurveillance ont été diffusées lors du procès. M. Courroye en a retenu "une impression de drague collective, de mâles dominants en période de rut".

Ils s'étaient ensuite rendus ensemble au "36, quai des Orfèvres", alors siège de la police judiciaire, situé en face du pub. Selon des témoins, quand Emily Spanton est entrée dans les locaux à 00H40 (23H40 GMT), en titubant, elle était joyeuse, alors qu'à 02H00 (01H00 GMT), la touriste canadienne était en état de choc, effondrée. Elle affirme avoir été violée par les deux accusés et par un troisième homme qui n'a jamais été identifié.

"Une proie"

Dans les locaux de la police, "le non, c'est une question qui ne s'est même pas posée. Ils ont voulu, ils se sont servis", accuse Philippe Courroye qui estime que la version de la plaignante a été "constante". De plus, "la dénonciation du viol a été immédiate", rappelle-t-il, en admettant cependant que la plaignante a pu être "imprécise sur le rôle de chacun" dans le viol collectif qu'elle dénonce.

La version des policiers "recèle des dissimulations évidentes et des incohérences manifestes", enfonce l'avocat général. Ainsi Nicolas R. n'a pas parlé de ce SMS qu'il a envoyé à un collègue - "Ça est une touseuse (partouzeuse, ndlr), dépêche!" -, jusqu'à ce que tombe l'analyse de la téléphonie. "Ce n'est pas un détail dans une affaire de viol en réunion", relève l'avocat général.

De même, Antoine Q. qui niait toute relation avec l'accusatrice n'a admis une pénétration digitale consentie qu'en octobre 2014. "Impossible" selon l'avocat général: l'ADN du suspect avait été retrouvé à 10 cm au fond du vagin d'Emily Spanton. De plus, les policiers "ont forcément vu qu'Emily Spanton était très alcoolisée". Pourquoi alors la faire monter au "36"? "Parce qu'ils avaient l'intention, l'un et l'autre, de profiter en toute impunité de sa vulnérabilité".

Emily Spanton, dont l'addiction pendant plusieurs années à la cocaïne et la consommation d'alcool ont été maintes fois évoquées au procès, "n'a pas exactement le vécu d'une jeune fille rangée", a concédé l'avocat général. "Mais il n'y a pas de bonne ou mauvaise victime, il n'y a pas que les jeunes filles en fleurs qui mériteraient d'être reconnues comme victimes. Il y a aussi celles qui par leur personnalité fragile constituent une proie". Le procès se poursuit avec les plaidoiries de la défense. Le verdict est attendu jeudi.

AFP

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