Brésil

Au Carnaval de Rio, féérie et extravagance sur le sambodrome

  • Publié le 4 mars 2019 à 11:04
  • Actualisé le 4 mars 2019 à 11:57

Des sauteurs en trampoline sur un échiquier géant, des sorcières qui semblent voler sur leur manche à balai: les écoles de samba de Rio de Janeiro rivalisaient de créativité dimanche, dans un show unique et plein d'extravagance, point d'orgue du carnaval brésilien.

Des pluies diluviennes ont retardé de 45 minutes le début du "plus grand spectacle de la Terre", mais les 72.000 privilégiés qui se sont massés au sambodrome en ont eu pour leur argent. Quand Imperio Serrano a ouvert le bal, il ne pleuvait plus, mais la piste sur laquelle se sont élancés les danseurs était encore détrempée.

Le premier char monumental avait la forme d'un chou géant, qui s'ouvrait pour laisser découvrir une grande couronne dorée. La deuxième école à s'élancer a littéralement enchanté le public avec un défilé plein de féérie sur le thème de la magie dans les contes pour enfant et les histoires fantastiques.

Spécialiste des effets spéciaux, le directeur Paulo Barros a annoncé la couleur dès le début, avec des danseurs déguisés en crapauds qui se transforment subitement en princes charmants. Quelques mètres plus tard, des sorcières semblent voler au-dessus du char et des zombies effraient le public en sortant tout d'un coup de leur tombe.

Les percussionnistes, qui donnent la chair de poule quand ils passent dans un vacarme assourdissant, sont coiffés du "choixpeau", chapeau de magicien vivant de la saga Harry Potter.

- "Tension incroyable" -

Quand l'orage qui a inondé plusieurs quartiers de Rio a éclaté, Lucio Pinto, ouvrier de 54 ans qui a participé à la fabrication d'un des chars de Grande Rio, la troisième école à défiler, a dû s'abriter sous un camion au plus fort de la pluie. "C'est une tension incroyable, mon coeur bat la chamade. On a fait tout ça par amour pour notre école", a-t-il déclaré, désignant fièrement l'immense char blanc avec des chevaux majestueux qu'il a contribué à bâtir.

Un autre char de Grande Rio montrait un Albert Einstein loufoque aux cheveux verts, tandis que celui d'avant dénonçait la pollution des océans avec des poissons et des tortues emprisonnées dans des filets gluants. Les sept premières écoles de samba du "groupe spécial", la crème de la crème, ont 1h15 chacune pour faire défiler jusqu'à l'aube lundi leurs chars majestueux, leurs danseurs aux costumes extravagants et leurs percussions assourdissantes le long du sambodrome.

Les sept autres écoles défileront dans la nuit de lundi à mardi, présentant le travail de toute une année pour tenter de décrocher le titre de championne du carnaval. Comme au football, il y a plusieurs divisions et les moins bien classées sont menacées de relégation. Chaque école est notée selon des critères très précis, de la richesse des chars à la pertinence du thème choisi, en passant par l'harmonie du défilé au sein du sambodrome.

Une des prestations les plus attendues de la première nuit de défilés sera celle de la championne en titre Beija-Flor, qui avait triomphé l'an dernier avec des chars spectaculaires dépeignant les problèmes de violence et de corruption du Brésil.

- Premier carnaval sous Bolsonaro -

Dans la nuit de lundi à mardi, ce sera au tour de Portela, détentrice du record de titres (22), dont certains costumes ont été signés par le couturier français Jean-Paul Gaultier.

Autre école très populaire, Mangueira promet d'enflammer le sambodrome avec un défilé engagé sur la face cachée de l'histoire brésilienne, représentant sur ses chars des héros "populaires", notamment Noirs et Indiens, souvent absents des livres scolaires. Pour la troisième année consécutive, les écoles de samba ont dû redoubler d'ingéniosité pour préparer leurs défilés, en raison de sévères restrictions budgétaires.

L'ex-pasteur évangélique Marcelo Crivella, maire de Rio depuis début 2017, a réduit de moitié les subventions allouées au carnaval, qui attire pourtant environ 1,5 million de touristes à Rio.

C'est le premier carnaval depuis l'élection du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, porté par une vague ultra-conservatrice et soutenu par des églises néo-pentecôtistes qui n'apprécient guère l'exubérance charnelle de cette grande fête populaire. Pas de quoi entamer la ferveur des fêtards qui se trémoussent déjà depuis plusieurs semaines dans les "blocos", ces cortèges bariolés attirant des dizaines de milliers de fêtards dans les rues sous une pluie de décibels.
 

AFP

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