Syrie

Kamikazes, roquettes, la dernière lutte des jihadistes avant de perdre leur "califat"

  • Publié le 25 mars 2019 à 13:17
  • Actualisé le 25 mars 2019 à 13:30

Kamikazes, tireurs embusqués et lance-roquettes: le groupe Etat islamique (EI) a défendu comme il pouvait ce qu'il restait de son "califat" en Syrie, à peine quelques terrains vagues parsemés de tentes. Mais les jihadistes affaiblis ont fini par céder.

Après cette bataille aux confins orientaux de la Syrie, des combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS), l'alliance arabo-kurde qui a mené les combats au sol, ont raconté à l'AFP les ultimes heures de lutte contre le réduit de l'organisation jihadiste la plus redoutée au monde.
C'est sur les bords du fleuve Euphrate, dans le village agricole de Baghouz dont quasiment personne n'avait entendu parler auparavant, que les jihadistes ont opposé leur dernière résistance.
Il fut un temps où le groupe ultraradical semait la terreur dans les vastes régions et les grandes villes conquises en Syrie et en Irak.

A son apogée en 2014, il gouvernait un territoire vaste comme la Grande-Bretagne où vivaient plus de sept millions de personnes. Il revendiquait des attentats sanglants qui ont tué jusqu'à 320 personnes en juillet 2016 à Bagdad et 130 personnes en novembre 2015 à Paris.
Mais au fil des défaites, son proto-Etat s'est réduit comme peau de chagrin et les derniers irréductibles ont livré bataille en se terrant dans des tunnels ou en se cachant dans des grottes sur les flancs de collines rocailleuses, racontent les FDS.
"On est arrivé de nuit, on était là sur cette barricade, on a consolidé nos positions sur cette ligne. Le matin ils ont attaqué. Ils avaient des snipers qui tiraient sur nous", se souvient le combattant Hamid Abdel Aal.
Du haut d'une bâtisse abandonnée où flotte un imposant drapeau jaune des FDS, il pointe du doigt un monticule de terre à quelques mètres de là, à mi-distance du fleuve.

Cicatrices

Quatre heures durant, les jihadistes luttent mais finissent par être acculés, raconte-t-il.
"Huit d'entre eux se sont fait exploser. Les autres se sont rendus", explique le jeune trentenaire à la peau mate, ses cheveux noirs recouverts par un foulard vert à carreaux.
Originaire de la ville de Chaddadé, dans la province de Hassaké (nord-est), il est engagé dans les FDS depuis 2016.
Blessé à trois reprises, il exhibe ses cicatrices dont une au flanc gauche --un tir lors de la bataille de Raqa, ex-capitale jihadiste dans le nord de la Syrie-- et une autre au cou, due à l'explosion d'une mine.
Les jihadistes "attaquaient de manière sporadique. Des kamikazes sortaient des tunnels", confirme Omar, 31 ans, engagé depuis octobre sur le front dans la province orientale de Deir Ezzor.
"La majorité étaient étrangers, du Kazakhstan, de France, d'Arabie saoudite et d'Irak", poursuit ce père de quatre enfants.
Dimanche encore, une équipe de l'AFP a pu voir des dizaines de personnes se rendre dans ce qui fut le campement jihadiste, principalement des hommes arborant parfois de grosses barbes noires et emmitouflés dans des abayas traditionnelles --des manteaux épais--, attendant de monter à bord de plusieurs camions.
"Ils étaient cachés dans des grottes ou des tunnels", explique Omar, trentenaire à la silhouette fine portant un uniforme militaire dépareillé.

"Comme Tom et Jerry"

Comme de nombreux combattants des FDS, ce vétéran des batailles de Raqa, Minbej (nord) et Deir Ezzor reconnaît que les jihadistes de Baghouz n'étaient plus que l'ombre d'eux-mêmes.
"Avant, les combats étaient plus féroces. Ils étaient au sommet de leur force. Ils utilisaient des véhicules piégés, l'artillerie lourde, les drones, ils dissimulaient des explosifs dans les maisons", se souvient-il.
Autour de lui, le dernier champ de bataille de l'EI: des monticules de terre retournée, des véhicules calcinés réduits à des squelettes de fer, des tentes faites de draps et de couvertures. Deux corps d'hommes morts gisent au sol ainsi que des ceintures explosives et un livre écrit en alphabet cyrillique.
C'est ce qu'il reste du proto-Etat des jihadistes, qui collectaient autrefois des taxes et frappaient leur propre monnaie.
"Jusqu'à la fin, ils avaient des lances-roquettes, tiraient sur nos voitures de loin", raconte le combattant Hicham Haroun, talkie-walkie en poche et pistolet en bandoulière.
"Ils avaient de la force, mais c'était pas la force de l'EI d'autrefois", confirme le combattant aux yeux gris et à la silhouette corpulente, casquette militaire vissée sur la tête.
"Quand on a commencé à lutter contre l'EI, ils avaient une expertise de combat, des stratégies militaires", se souvient-il.
"Mais à la fin, c'était comme Tom et Jerry, comme une souris acculée dans un coin. Il n'y avait plus d'échappatoire face au chat".

AFP

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