Justice

Vers une nouvelle inculpation de Carlos Ghosn au Japon

  • Publié le 22 avril 2019 à 07:57
  • Actualisé le 22 avril 2019 à 10:01

Carlos Ghosn arrive lundi au bout de sa garde à vue au Japon, avec une probable nouvelle mise en examen à la clé sur des accusations de détournement de fonds de Nissan, tandis que son épouse se livre à une virulente contre-attaque médiatique.


Selon les médias, l'ancien PDG de l'alliance automobile Renault-Nissan va être inculpé pour la quatrième fois. Ses avocats ont prévenu qu'ils déposeraient aussitôt une demande de remise en liberté. Depuis sa ré-arrestation le 4 avril à son domicile de Tokyo, un mois à peine après avoir quitté la prison sous caution, l'illustre suspect de 65 ans est interrogé sur des transferts d'argent émanant du groupe nippon, à un distributeur de véhicules du constructeur à l'étranger, plus exactement à Oman. Sur un total de 15 millions de dollars versés à cet intermédiaire entre fin 2015 et mi-2018, 5 millions ont été utilisés pour le bénéfice personnel de M. Ghosn, selon le bureau des procureurs.


De l'avis des experts, il s'agit des éléments les plus graves qui lui sont reprochés à ce jour, cinq mois après son interpellation initiale qui a scellé sa chute, le 19 novembre dans la capitale japonaise. D'après des sources proches du dossier, cet argent a été injecté via une société au Liban dans un fonds contrôlé par son fils Anthony aux Etats-Unis, Shogun Investments LLC, qui l'aurait réinvesti dans quelque 30 firmes. D'autres entreprises "coquilles vides" ont été identifiées sur une période remontant à plus loin.


- Appel à Trump -

L'argent aurait également servi à l'achat d'un luxueux bateau, d'un coût de 12 millions d'euros, baptisé "Shachou" (prononcer "shatchô", patron en japonais). L'épouse de Carlos Ghosn a été entendue à ce sujet par la justice japonaise, en tant que dirigeante de la compagnie "Beauty Yachts", enregistrée dans les Iles vierges britanniques, qui a effectué la transaction.


Carole Ghosn avait déjà pris la parole depuis le début de l'affaire pour dénoncer les conditions de détention de son mari, mais elle a accentué son offensive dans les médias ces dernières semaines, en appelant aux plus hautes autorités politiques. D'abord rentrée en France, sous le choc de l'arrestation de Carlos Ghosn à l'aube "par plus d'une dizaine de membres du bureau des procureurs", elle a adressé un message au président Emmanuel Macron. Puis, après un aller-retour express à Tokyo pour son audition par les enquêteurs, elle a pris la direction des Etats-Unis dont elle détient la nationalité, demandant cette fois à Donald Trump d'intervenir.


Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, doit rencontrer les deux chefs d'Etat cette semaine au cours d'une tournée dans 6 pays, en amont de l'organisation du G20 dans l'archipel. "Mon époux est innocent de tout", insistait Carole Ghosn dans une tribune publiée mi-avril par le Washington Post, se disant "inquiète pour sa santé".


- "La vraie histoire" -

"Des courriels révèlent la vraie histoire derrière ce qui se passe: le ministre japonais de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie (Meti) travaillait avec des dirigeants de Nissan pour bloquer la fusion de Nissan et Renault souhaitée par Carlos et préserver l'autonomie de Nissan à tout prix", soulignait-elle. "Ce qui aurait dû se régler en conseil d'administration est devenu une affaire judiciaire." Cette théorie du "complot", Carlos Ghosn la martèle depuis le début. Sur le fond, il a dans un premier temps répondu, parlant de "distorsion de la réalité", mais il ne s'est pas exprimé sur les nouveaux soupçons qui le visent.

Le naguère tout-puissant PDG, qui a hissé Renault-Nissan-Mitsubishi Motors au sommet, a déjà été inculpé à trois reprises. Deux pour déclarations inexactes de revenus sur les années 2010 à 2018, dans des documents remis par Nissan aux autorités financières, et une pour abus de confiance. Il est notamment accusé d'avoir tenté de faire couvrir par la compagnie des pertes sur des investissements personnels lors de la crise économique de 2008. Il avait été relâché le 6 mars après 108 jours dans le centre de détention de Kosuge (nord de Tokyo), moyennant le versement d'une caution d'un milliard de yens (8 millions d'euros), et assigné à résidence.

Contre l'avis du parquet, le tribunal avait alors écarté les risques de destruction de preuves et de fuite, une situation qui n'a, selon ses avocats, pas changé et pourrait justifier une nouvelle libération dans l'attente de son procès, qui n'est pas prévu avant plusieurs mois. Il devra le cas échéant s'acquitter d'une deuxième caution.

- © 2019 AFP

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